À une dizaine de jours de la fête du sacrifice, les Marocains, toutes couches confondues, n’ont plus qu’une phrase à la bouche : « Où et comment acheter discrètement un mouton en bonne santé à tout prix ». Comprenne qui pourra.
Force est de constater qu’avec une telle demande exponentielle, le prix de cette viande a exagérément augmenté, sauf chez des intermédiaires véreux qui tentent de se débarrasser de troupeaux déconseillés à la consommation, de bêtes malades ou maigres. Rien n’y fait, et par tous les moyens, une partie de la population, de plus en plus grande, s’entête et se prépare à procéder au rituel du sacrifice, déconseillé pourtant par le roi afin de préserver le cheptel et la reproduction, et éviter une crise majeure au pays dans le domaine de l’élevage et celui de l’économie en général.
Toutes les tentatives d’acquisition d’une bête dans la discrétion sont envisagées pour avoir de la viande ovine sur la table le jour de la fête, en procédant à l’abattage dès à présent dans les abattoirs clandestins, pour la stocker et s’approvisionner en abats supplémentaires, quel que soit le prix à payer, qui frôle déjà des sommets jamais atteints, tout comme les rumeurs colportées sur l’état présent et futur du marché, comme celle de la raréfaction de cette viande, moins chère que la bovine, dans la période qui suivra la fête, et celle annonçant que les fêtes de mariage de l’été n’auront pas lieu en raison d’une crise qui pourrait se poursuivre pendant de nombreux mois.
Toutes les astuces pour tromper la vigilance des autorités fleurissent sur le Net, y compris les achats de moutons dans les fermes et livrés sur place après l’abattage, pour une livraison de mouton découpé et emballé avec soin, afin d’éviter de se faire remarquer ou prendre par le dispositif de surveillance mis en place pour lutter contre l’abattage clandestin et les circuits de vente informels, qui n’ont jamais été aussi nombreux. Cette situation unique dans les annales de la célébration de la fête du sacrifice n’a jamais été autant au centre des discussions et dans les médias. À croire qu’un vent de panique souffle sur tout le pays avant cette fête de l’Aïd El-Kébir. Reste à savoir quel exemple l’on donnera aux enfants en la célébrant avec la consommation clandestine d’une viande au goût « amer ».
Par Jalil Nouri