Au fil des mois, le discours militaire algérien s’est imposé comme pierre angulaire du langage d’État, bien au-delà d’une simple posture diplomatique. Dans les communiqués du ministère de la Défense, dans les déclarations des généraux ou des responsables politiques, le mythe du complot étranger est devenu une constante, justifiant le surarmement du pays et le verrouillage du débat public.
Dans sa revue El Djeïch, le ministère affirme vouloir bâtir un « armée forte et redoutée », motivée par les « défis régionaux et internationaux ». Une rhétorique guerrière à peine voilée qui cohabite avec un discours paradoxal d’engagement pacifique et de bon voisinage. Un double langage que dénoncent plusieurs voix critiques.
Chawki Ben Zahra, opposant politique, affirme que le régime algérien instrumentalise depuis des années la peur d’une agression extérieure pour détourner l’attention des crises internes, réprimer les libertés et justifier des dépenses militaires colossales. Il accuse le pouvoir d’avoir graduellement militarisé le discours politique, notamment vis-à-vis du Maroc, présenté comme une menace directe à chaque occasion.
Mais cette surenchère verbale cache une réalité plus embarrassante : l’armée algérienne, malgré ses milliards de dollars de budget, est peu préparée à un conflit réel. Elle est essentiellement structurée pour le contrôle interne, non pour une guerre moderne. Son efficacité reste théorique, son expérience de terrain quasi inexistante.
La vieillesse et le conservatisme des élites militaires, imprégnées de la mentalité de la guerre froide, freinent toute stratégie de modernisation. Le pouvoir algérien préfère maintenir une posture d’assiégé permanent, agitant l’épouvantail de l’ennemi extérieur pour museler la société civile, criminaliser la contestation et désamorcer toute revendication sociale.
Ce climat de peur sert aussi à masquer l’incapacité du régime à proposer une vision économique viable. Car si le discours officiel se veut puissant et rassurant, la réalité quotidienne des Algériens est marquée par la précarité : cherté de la vie, chômage endémique, pénurie de médicaments, éducation sinistrée et absence d’investissements productifs. Un paradoxe criant dans un pays aux richesses naturelles considérables, mais dont la population subit les effets d’une gouvernance autoritaire, militarisée et déconnectée de ses besoins réels.
L’Algérie n’est pas en guerre. Elle est prise en otage par un régime qui instrumentalise le fantasme du conflit pour survivre, au prix du bien-être de son peuple.
Et pour entretenir cette illusion, le pouvoir algérien mobilise tous les symboles : en témoigne le défilé militaire fastueux orchestré lors de la fête nationale, où chars, missiles et troupes d’élite paradent dans les rues d’Alger comme si la guerre était imminente. Mais derrière ce spectacle calibré pour impressionner, le contraste est saisissant : un peuple privé de soins, d’opportunités, et d’avenir, observant ses dirigeants investir dans les armes pendant que les étals se vident et les rêves s’effondrent.
Le véritable champ de bataille n’est pas aux frontières, il est dans les foyers, les hôpitaux, les universités, et les rues désertées par l’espoir. Le régime algérien, marié à son armée, incapable de construire une économie productive ni de garantir une justice sociale, préfère agiter le spectre de la guerre pour continuer de régner sur une société bâillonnée, appauvrie, mais docile sous l’uniforme de la peur.
Par Salma Semmar
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