À seulement 18 ans, Lamine Yamal continue de fasciner la planète football. Mais derrière la pépite du FC Barcelone et de la Roja, il y a aussi un jeune homme qui assume pleinement une double appartenance, entre l’Espagne où il a grandi et le Maroc, terre de ses origines. Dans une longue interview accordée à l’émission américaine « 60 Minutes » sur CBS, l’ailier a levé le voile sur ce tiraillement intime et sur son choix définitif de porter le maillot espagnol.
Interrogé sur la possibilité de jouer un jour pour les Lions de l’Atlas, Lamine Yamal ne cache pas qu’il a réellement envisagé cette option. « Oui, j’avais dans la tête “je peux jouer avec le Maroc” », confie-t-il, en évoquant le contexte brûlant de l’époque : le Maroc venait de réaliser un parcours historique jusqu’en demi-finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar, devenant la première sélection africaine à atteindre ce stade. Ce run mémorable a profondément marqué la diaspora marocaine en Europe, dont fait partie le jeune ailier.
Pourtant, au moment de trancher, le prodige de Barcelone assure ne pas avoir hésité. « Au moment de vérité, je n’ai jamais douté », explique-t-il. Son choix est alors guidé par une ambition sportive très claire : disputer l’Euro, s’imposer sur la scène européenne et viser la Coupe du monde. Objectifs déjà partiellement atteints puisqu’il a été sacré champion d’Europe avec l’Espagne à l’Euro 2024, devenant le plus jeune buteur de l’histoire du tournoi et le plus jeune joueur à remporter un titre majeur de ce niveau, avec à la clé un trophée de Meilleur jeune de la compétition.
Mais si le passeport footballistique penche côté Roja, le cœur, lui, n’a pas renié ses racines. « J’aurai toujours de l’affection pour le Maroc. C’est aussi mon pays », affirme-t-il, dans un message qui a trouvé un écho particulier de l’autre côté de la Méditerranée. Il ajoute que défendre les couleurs des Lions n’aurait été ni « étrange ni mauvais ». Une manière de saluer un pays qui, aujourd’hui, s’impose lui aussi comme une terre de football de haut niveau, candidate naturelle aux grandes échéances internationales.
Lamine Yamal revendique d’ailleurs une identité multiple : né en Espagne, de père marocain et de mère d’origine équato-guinéenne, il est le produit d’un métissage qui reflète les nouvelles générations de talents binationaux. Sa proximité avec le Maroc ne se limite pas à un simple discours diplomatique : il suit la sélection, connaît l’engouement populaire qu’elle suscite et n’ignore pas qu’à Rabat, Casablanca ou Tanger, beaucoup rêvaient de le voir un jour sous le maillot rouge frappé de l’étoile verte.
Au-delà de la question de la nationalité sportive, l’entretien avec « 60 Minutes » a permis de découvrir un Yamal très attaché à ses racines sociales. S’il brille aujourd’hui au Camp Nou, il n’oublie pas Rocafonda, quartier populaire de Mataró, dont il célèbre le code postal « 304 » à chacun de ses buts, un geste devenu sa signature. Ce chiffre renvoie aux trois derniers numéros du code de ce quartier longtemps stigmatisé, mais dont il se dit fier, y voyant le symbole de son ascension depuis l’un des secteurs les plus modestes de Catalogne.
Dans l’entretien, il se présente comme un garçon simple, encore très encadré par sa famille. Il décrit sa mère comme la « reine » de la maison, celle à qui il obéit « en toutes circonstances ». Une dimension familiale qui parle aussi au public marocain, habitué à voir ses propres stars — de Hakimi à Ziyech — mettre en avant la cellule familiale comme socle de leur réussite.
Sportivement, Lamine Yamal n’en finit plus d’empiler les records. En club, il s’est imposé comme l’une des armes offensives majeures du Barça, enchaînant les buts, les passes décisives et les prestations jugées « générationnelles » par certains observateurs. Sur la scène internationale, il a déjà inscrit son nom dans les livres d’histoire, et ses performances lui ont valu de remporter deux années de suite le Trophée Kopa, qui récompense le meilleur joueur de moins de 21 ans au monde, une première.
À la fin de l’interview, le jeune crack se projette vers l’avenir et promet, en anglais, que l’Espagne gagnera la prochaine Coupe du monde en Amérique du Nord. Une déclaration audacieuse, à la hauteur de son talent. Mais dans les rues de Casablanca ou de Nador, on se plaît déjà à imaginer ce qu’aurait été une attaque des Lions de l’Atlas avec Lamine Yamal sur l’aile droite. Le joueur, lui, a fait son choix, mais il laisse une porte symbolique ouverte : « Le Maroc, c’est aussi mon pays. » Une phrase qui, à elle seule, résume le lien fort entre un prodige mondial et un Royaume qui continue de faire rêver les binationaux du football.
Par Mounir Ghazali










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