Votre Majesté,
Qu’Allah Vous assiste et vous protège.
Je suis médecin psychiatre, et mon métier est une école d’écoute. Chaque année, quelques centaines de personnes me confient leurs nuits sans sommeil, leurs peurs, leurs chutes et leurs reprises. Vous, Votre Majesté, écoutez un peuple entier. Votre récent discours l’a montré : une parole qui ne se contente pas d’annoncer, mais qui accueille les réalités, les distances, les vies rurales et urbaines, et rappelle que le progrès n’oppose pas grands projets et programmes sociaux — il les fait marcher ensemble.
Dans ma salle d’attente, j’entends souvent des phrases à voix basse : « Je ne veux pas déranger », « Ce n’est peut-être rien », « J’ai honte de venir ». La santé mentale, chez nous, doit commencerpar là : la possibilité de parler sans se cacher. Lorsque Vous placez la justice sociale et territoriale au centre, lorsque Vous insistez sur la culture du résultat et la mesure des réalités du terrain, Vous donnez une clé simple à ceux qui soignent : tenir des délais, rendre les portes d’entrée lisibles, rapprocher l’aide de ceux qui n’osent pas en demander. Un pays qui mesure ce qu’il vit soigne mieux, et un pays qui soigne mieux retrouve confiance.
Votre appel à ne pas opposer investissement et attention sociale éclaire directement notre champ. La santé mentale n’est pas un supplément d’âme ; elle tient ensemble l’école, l’emploi et la famille. Là où l’accès est proche et digne, un étudiant reprend pied avant l’effondrement ; un parent respire et la maison se réorganise ; une équipe hospitalière tient dans la durée. Là où tout est loin, confus ou saturé, la souffrance s’épaissit et finit par coûter davantage à chacun.
Vous avez aussi rappelé la nécessité d’aller vers les régions les plus précaires, montagnes et oasis comprises, et de penser le développement local comme miroir du progrès. En psychiatrie, ce miroir est précis : l’endroit où l’on vit dit souvent l’allure du chemin vers le soin. Quand le trajet est long et l’information floue, on renonce ; quand la réponse est identifiable et proche, on revient. C’est une question d’équité, mais surtout de dignité : personne ne devrait avoir à prouver sa souffrance pour être accueilli.
Enfin, Votre insistance sur l’encadrement des citoyens et la communication autour des droits rejoint un enjeu que nous connaissons bien : la honte. Elle se dissipe quand la parole publique dit simplement que demander de l’aide n’est pas une faiblesse, mais un acte de responsabilité. Dans les universités, dans les centres de santé, dans les quartiers, quelques mots justes suffisent souvent à rouvrir une porte fermée depuis des années.
Je n’ai ni plan à soumettre ni consignes à donner. Je voulais seulement Vous remercier pour un cap qui épouse le réel : rendre visibles ceux qu’on n’entend pas, raccourcir la distance entre la souffrance et le soin, faire des données un outil de probité plus qu’un exercice de style, et tenir l’unité du pays par l’égalité d’accès. À mon échelle, je sais ce que change un rendez-vous obtenu, une écoute disponible, un soignant soutenu. Ce sont de petites victoires qui, mises bout à bout, dessinent des lendemains plus respirables.
Je me tiens, comme beaucoup de mes collègues, à votre disposition là où notre écoute peut être utile. Merci, Votre Majesté, d’avoir donné à cette écoute une place dans le récit du pays.
Qu’Allah protège le Maroc et Vous garde.
Dr Wadih Rhondali
Médecin psychiatre – Casablanca/Rabat










Contactez Nous