Le cash reste roi au Maroc, mais son règne commence à être bousculé. Selon les derniers indicateurs monétaires, 444 milliards de dirhams circulent toujours sous forme de billets et de pièces, confirmant la place centrale des espèces dans l’économie nationale. Toutefois, pour la première fois depuis une décennie, la progression de cette masse fiduciaire ralentit sensiblement : sa croissance n’a été “que” de 8 % en 2024, loin des pics de 10 à 11 % enregistrés les années précédentes.
Cette rupture s’explique en grande partie par un mois de décembre pas comme les autres. L’amnistie fiscale a encouragé de nombreux détenteurs de liquidités à les réinjecter dans le circuit bancaire. Résultat : des versements records de 20,6 milliards de dirhams aux guichets, réduisant mécaniquement le volume de cash en circulation et donnant un coup d’arrêt à une dynamique jusque-là continue.
Malgré ce tassement, le Maroc reste l’un des pays où le recours aux espèces demeure très élevé, avec un ratio cash/PIB de 29 %, un niveau supérieur à celui observé avant la pandémie. Les habitudes de paiement restent rythmées par les grandes périodes de consommation, notamment l’Aïd Al-Adha ou la saison estivale, qui dopent la demande en billets. Dans les portefeuilles, un billet domine tous les autres : la coupure de 200 dirhams, qui concentre à elle seule près des trois quarts de la valeur totale en circulation.
Le rapport de Bank Al-Maghrib souligne toutefois l’émergence de signaux d’un changement plus profond. L’essor du virement instantané et du paiement mobile commence à se faire sentir. Si l’argent liquide conserve, pour l’instant, une nette suprématie, la montée en puissance des solutions numériques esquisse un rééquilibrage progressif des modes de paiement au Maroc, prélude possible à une transition plus affirmée vers le “cash-lite”.
En définitive, les chiffres de Bank Al-Maghrib montrent moins un recul brutal du cash qu’un tournant discret mais réel. Sous l’effet combiné de l’amnistie fiscale, de la bancarisation et de la modernisation des paiements, les Marocains s’habituent progressivement aux cartes et aux transactions dématérialisées. Le billet de banque reste encore dominant, mais il commence clairement à céder du terrain aux paiements par carte, plus pratiques, traçables et adaptés à une économie appelée à se formaliser davantage.










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