Dans un monde en mutation, où la modernité et l’individualisme redessinent les contours des relations humaines, le Maroc demeure un bastion de la famille. Contrairement à d’autres sociétés où les liens familiaux s’effilochent sous la pression du quotidien, les Marocains, toutes générations et classes sociales confondues, continuent de puiser dans la cellule familiale leur force, leur identité et leur équilibre.
Le respect envers les parents reste une valeur cardinale, profondément ancrée dans les mœurs. Même une fois mariés et devenus eux-mêmes parents, les enfants marocains perpétuent les gestes de respect et de déférence. Dans de nombreuses régions du Royaume, il est encore courant que la belle-fille embrasse la main de sa belle-mère ou de son beau-père, un geste à la fois symbolique et sincère, rarement contesté, même dans les cercles les plus modernisés.
À chaque fête religieuse, cette tradition prend tout son sens. Après avoir partagé le repas avec leurs parents, les enfants rendent visite aux proches, parfois en passant plusieurs jours sous le toit familial. L’épouse, bien qu’attachée à l’équité, n’y voit généralement pas d’inconvénient tant que son mari reste juste envers ses propres beaux-parents. Cette réciprocité tacite est le fruit d’une culture de solidarité.
Au cœur de cette dynamique familiale marocaine, la figure maternelle joue souvent un rôle central d’équilibriste. Dans l’ombre des grandes décisions ou au détour de simples conversations, la mère veille à maintenir l’harmonie entre ses enfants, prenant parfois discrètement à celui qui a davantage pour aider celui qui traverse une période difficile. Cette redistribution affective et parfois matérielle ne se fait ni par obligation ni par calcul, mais par un sens profond du devoir et de la justice familiale. Elle agit comme un ciment invisible, garantissant que personne ne soit laissé pour compte, que les liens ne se distendent pas, et que l’unité de la fratrie prime sur les égoïsmes ou les disparités sociales. C’est souvent par elle que la solidarité se transmet, que l’équilibre s’impose sans heurt, et que la famille reste un refuge protecteur pour chacun de ses membres.
La famille joue aussi un rôle clé en cas de tensions conjugales. Les parents, bien que prudents dans leur intervention, peuvent souvent sauver un couple de l’éclatement, agissant comme médiateurs discrets. Mais si l’un des membres se sent lésé, ces conflits peuvent dégénérer en rivalités familiales ouvertes, où l’honneur et les rancunes peuvent prendre le dessus.
Pourtant, tout n’est pas figé. Une frange de la jeunesse marocaine cherche aujourd’hui à prendre ses distances, non pas par rejet, mais par besoin d’émancipation. Elle marque une volonté d’autonomie, d’affirmation de soi, sans pour autant rompre avec le cocon familial qui continue de constituer un refuge affectif et moral.
Ce lien profond entre les générations trouve sa plus belle illustration dans les scènes inoubliables de la Coupe du monde 2022 au Qatar : à la fin de chaque match, les Lions de l’Atlas couraient vers leurs mères pour les embrasser, souvent en larmes, rappelant au monde entier l’importance de la famille dans la réussite individuelle.
L’accueil du Roi Mohammed VI de l’équipe nationale au palais royal, accompagnée de leurs mères, ne fut pas un simple geste protocolaire. Il s’agissait d’un acte profondément symbolique, qui a touché les cœurs de millions de Marocains et suscité l’admiration au-delà des frontières. En plaçant les mères aux côtés de leurs fils dans un moment de gloire nationale, le souverain a élevé l’amour filial et le rôle de la famille au rang de valeurs fondatrices de la société marocaine. Ce n’était pas seulement l’équipe des Lions de l’Atlas que l’on célébrait, mais aussi les femmes silencieuses derrière les héros, celles qui ont soutenu, éduqué, encouragé, prié.
Cette image rare et puissante, d’un roi entouré de joueurs et de leurs mères dans un cadre solennel et royal, a fait le tour du monde comme un témoignage éclatant de la centralité de la famille au Maroc. Elle a confirmé que la réussite individuelle ne se détache jamais de ses racines collectives, que la fierté nationale est indissociable de l’amour filial. Ce moment de tendresse et de respect, capté par les caméras et gravé dans la mémoire collective, incarne l’âme d’un pays où la famille n’est pas qu’un repère social : elle est un socle identitaire, une source de dignité, et un moteur de réussite. L’avenir se construit avec les valeurs du passé, et la famille reste au centre de toutes les victoires, grandes ou petites.
En définitive, malgré les effets de la modernité et les aspirations nouvelles des jeunes, les relations familiales au Maroc demeurent solides, cimentées par des valeurs de respect, de solidarité et d’amour, rarement altérées par le temps.
Par Abdelrhni Bensaid