La réception solennelle de l’équipe nationale féminine de football par le roi Mohammed VI, dans le cadre de la Fête du Trône, n’a rien d’anodin. Elle marque un tournant historique dans la perception de la femme sportive au Maroc, longtemps reléguée aux marges d’un sport perçu comme exclusivement masculin. Ce geste fort du souverain constitue un signal clair adressé à l’opinion publique : le football féminin est désormais une affaire nationale, digne d’intérêt, de reconnaissance et de respect.
Dans une société où les traditions religieuses et sociales ont longtemps limité les ambitions sportives des jeunes filles, la scène a changé. Grâce au travail méthodique de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), des passerelles concrètes ont été ouvertes : structuration du championnat féminin, accompagnement matériel, et création d’un environnement professionnel propice à l’épanouissement des joueuses. Aujourd’hui, plusieurs d’entre elles s’illustrent dans des clubs internationaux, tandis que d’autres brillent dans un championnat national en voie de consolidation.
Fait marquant : dans de nombreuses familles marocaines, notamment au sein des classes moyennes et aisées, le football gagne du terrain face à des disciplines plus traditionnelles comme la danse, la natation ou les arts martiaux. Le ballon rond devient un vecteur d’ambition, d’affirmation et de projection dans l’avenir. Cependant, dans les milieux plus conservateurs et défavorisés, l’émancipation par le sport reste encore timide, freinée par des mentalités réfractaires et le manque d’infrastructures adaptées.
L’absence quasi générale de cours d’éducation physique dans les établissements scolaires, combinée à la pénurie de terrains et d’espaces publics dédiés au sport, a longtemps découragé la pratique féminine. Mais la dynamique est enclenchée. Le rêve de devenir une star du football, de voyager à travers le monde tout en poursuivant ses études, séduit de plus en plus de jeunes Marocaines.
Le rôle crucial des médias et des sponsors
Le développement du football féminin ne saurait être complet sans un soutien médiatique conséquent. Aujourd’hui, les joueuses marocaines souffrent encore d’un déficit de visibilité : rares sont les matchs diffusés à la télévision ou relayés par la presse nationale. Cette faible couverture freine la reconnaissance publique et limite l’intérêt des sponsors, pourtant indispensables pour financer les infrastructures, les salaires et les formations. Une médiatisation plus soutenue permettrait non seulement de donner des modèles aux jeunes filles, mais aussi de créer une économie solide autour de ce sport.
Former une génération d’encadrantes et d’arbitres
L’essor du football féminin dépend également de l’encadrement. Le Maroc manque encore d’entraîneuses, de préparatrices physiques et d’arbitres féminines. La création de centres de formation spécifiques et la mise en place de programmes de qualification pour les femmes dans ces métiers sont une nécessité. Ces initiatives contribueraient à instaurer une ambiance sportive inclusive, où les joueuses se sentent mieux accompagnées et mieux représentées.
L’appui du roi, de la FRMF et du président de la FIFA, Gianni Infantino, venu saluer à plusieurs reprises le rôle pionnier du Maroc dans le développement du football, renforce cette ambition collective. Le football féminin marocain n’en est qu’à ses débuts, mais son parcours prometteur, symbolisé par sa finale historique à la Coupe d’Afrique des Nations, laisse entrevoir un avenir brillant.
Un long chemin reste à parcourir, certes, mais le Maroc peut déjà se targuer de porter, haut et fort, les couleurs du football féminin dans le monde arabe et sur le continent africain. Et surtout, de l’utiliser comme une véritable arme de lutte contre le sexisme.
Par Salma Semmar