Au Maroc, le football est plus qu’un sport : il est devenu un récit collectif. Depuis l’épopée des Lions de l’Atlas, demi-finalistes du Mondial 2022 au Qatar, jusqu’au triomphe récent des U20 au Chili, l’idée d’une « union sacrée » autour du ballon rond s’est imposée comme un credo partagé par supporters, institutions, acteurs économiques et monde politique. Cette communion rare, nourrie par les victoires et les symboles, fonctionne comme un accélérateur d’optimisme national.
Au-delà de l’émotion, une question s’impose : le football est-il devenu le ciment de la nation ? L’ambition sportive s’inscrit désormais dans un horizon stratégique plus large : grands chantiers d’infrastructures, modernisation des stades, professionnalisation des filières, diplomatie sportive, et une image de pays conquérant qui rayonne bien au-delà des frontières. À l’approche de la Coupe du monde 2030, dont le Maroc est coorganisateur, le football s’érige en vitrine de puissance douce, comparable sinon supérieure, au levier touristique en termes d’attractivité et de marque pays.
Cette dynamique semble auto-entretenue : succès sportifs, mobilisation populaire, investissements et nouvelles performances. Un cercle vertueux qui pourrait atteindre son apogée en 2030 à condition de convertir l’élan en résultats réguliers et d’inscrire la stratégie dans la durée. Car l’« union sacrée » a ses limites : l’émotion est par définition volatile, et le risque d’hyper-dépendance au résultat existe. La ferveur peut s’éroder si les performances fléchissent, si la gouvernance n’est pas irréprochable, ou si la promesse d’héritage (emplois, formations, accès au sport de proximité) n’est pas tenue.
La clé réside donc dans la structuration : renforcer les centres de formation, faire monter en gamme les ligues nationales, consolider la filière arbitrale, investir dans le sport scolaire et féminin, sécuriser la gouvernance et la transparence, et mesurer l’impact social et économique réel des investissements. L’« union sacrée » devient alors outil de cohésion et levier de développement, non pas une bulle d’euphorie. Elle doit agréger la société autour d’objectifs tangibles : inclusion territoriale, éducation par le sport, professionnalisation des métiers, essor du tourisme sportif, et diplomatie d’influence.
Conclusion. Oui, le football est un facteur d’unisson, au Maroc comme ailleurs, à condition d’être canalisé par des politiques publiques claires et une gouvernance exemplaire. Le rêve est désormais crédible : 2030 peut en être le point d’orgue, si l’« union sacrée » demeure une passerelle vers le long terme. Autrement dit : faire du football non seulement un moment de gloire, mais un projet de société.
Par Mounir Ghazali