Avec la CAN 2025 et les chantiers de la Coupe du Monde 2030, on ne peut pas dire que le lobby du BTP ne soit pas monté au créneau avec des chantiers très coûteux de réaménagement des stades, ainsi que la construction d’un nouveau stade et de nouvelles infrastructures.
Il y a quelques semaines, lors du tirage au sort de la CAN 2025, qui doit se dérouler au Maroc dans moins de dix mois, il a été annoncé que la capitale du Royaume disposerait de quatre stades pour abriter la compétition.
Outre le complexe Moulay Abdallah, trois autres stades sont désormais au programme de la Coupe d’Afrique : le stade Moulay Hassan, le stade Barid et le stade Belvédère, ex-stade du FUS.
Les quatre stades de Rabat sont en cours de rénovation, et il va sans dire que cette surprenante décision va faire de l’ombre aux autres villes. Ainsi, si la moitié de la compétition se déroulera à Rabat, seulement trois rencontres sont prévues au légendaire complexe Mohammed V de Casablanca, et il est légitime de penser que l’esprit du football a été sacrifié et méprisé au profit d’autres considérations.
On pouvait espérer que le football et la Coupe d’Afrique puissent être des vecteurs de justice spatiale, mais malheureusement, il sera plutôt question d’ancrer les disparités territoriales et les injustices régionales, alors qu’il y avait matière à mieux faire en intégrant d’autres villes à la grande fête du football africain.
Il y a un stade à Oujda, récemment rénové pour deux rencontres des Lions de l’Atlas, mais il n’a jamais été envisagé pour la CAN, alors que la région de l’Oriental aurait pu légitimement faire partie des villes hôtes.
Même constat pour Kénitra, El Jadida, Mohammedia et peut-être même Meknès et Tétouan. Quant au complexe Adrar d’Agadir, il risque de ne pas être prêt en décembre pour accueillir la compétition.
Ainsi, même s’il y a un énorme business autour de la rénovation des stades, peut-on réellement croire que le lobby du BTP ait influencé la décision de retenir quatre stades à Rabat au détriment d’autres villes ?
Il y a un pas que nous ne franchirons pas, car tout cela relève de la pure spéculation, impossible à prouver. Mais il n’y a jamais de fumée sans feu !
Ce qui est certain, en revanche, c’est que le lobby du BTP a les dents et les mains assez longues pour peser sur les centres de décision, voire même sur la politique gouvernementale et les chantiers lancés par l’État !
Libre à vous de voir des scandales partout et de jeter la suspicion, mais honnêtement, il s’agit d’une décision inattendue et incompréhensible à bien des égards. Et libre à d’autres de justifier, comme à leur habitude, l’injustifiable !
Le lobby du BTP ne fait pas dans les sentiments : tant pis pour la justice spatiale, les disparités territoriales et les inégalités régionales !
Avec les chantiers de la CAN 2025 et ceux de la Coupe du Monde 2030, le lobby du BTP a effectivement le vent en poupe, mais une chose est évidente : les grands groupes privés au savoir-faire reconnu sont incontournables sur la scène économique. Sinon, il aurait fallu les inventer !
Mais à condition que les règles du jeu soient respectées, dans la transparence, sans que les intérêts du lobby du BTP ne passent avant tout, au détriment de considérations dont le citoyen lambda et l’opinion publique ne soupçonnent probablement pas l’ampleur.
Et l’on ne peut pas accuser le comité d’organisation et la FRMF d’improvisation, puisque les stades de Rabat sont en travaux depuis près d’un an : autrement dit, la décision avait été prise il y a plusieurs mois, mais n’a été rendue publique que lors du tirage au sort au Théâtre National Mohammed V.
Un secteur du BTP en pleine effervescence
Dans le BTP, on ne chôme absolument pas avec les barrages en construction, les stations de traitement et de dessalement, les autoroutes et autres infrastructures portuaires, aéroportuaires ou ferroviaires, qui connaissent un grand boom.
Mais les rénovations de stades coûtent une fortune aux contribuables, sans garantie de rentabilité pour les caisses de l’État, tant qu’aucune stratégie efficiente de valorisation et d’exploitation n’est mise en place.
De plus, la construction de nouveaux stades pourrait bien s’avérer une aberration sociale et économique.
Ainsi, alors que le Maroc entend construire le plus grand stade du monde à Benslimane, rien ne garantit que la finale de la Coupe du Monde 2030 puisse effectivement s’y tenir, puisque l’Espagne fait pression sur la FIFA pour obtenir 12 villes hôtes, ce qui réduirait le nombre de villes marocaines à cinq… et donc pas de Coupe du Monde à Fès !
Ne mettons-nous pas la charrue avant les bœufs ? On est peut-être en train de construire un stade pour absolument rien, puisque les deux grands clubs casablancais ne sont même pas sûrs d’y jouer.
La gabegie des rénovations de stades
Pour en revenir au cas de Casablanca, le complexe Mohammed V a été fermé plus de dix fois ces vingt dernières années pour rénovation. La Cour des comptes a déjà alerté sur l’inefficacité des centaines de millions de dirhams alloués, avec des travaux mal menés et des audits de contrôle bâclés.
C’est dire la gabegie pure et dure qui entoure ces projets, alors que la Botola Pro est sabotée par les fermetures à répétition des stades. Les clubs ne savent plus à quel saint se vouer pour gérer une saison correctement, avec des recettes en chute libre.
Malheureusement, il faut bien se rendre à l’évidence : le football aujourd’hui, c’est avant tout de la politique, et surtout beaucoup, vraiment beaucoup d’argent détourné au profit d’intérêts privés… au mépris de l’intérêt général !
Par Hafid Fassi Fihri