Le Royaume n’en a pas fini avec les dégâts colossaux causés par une activité économique informelle plus florissante que jamais et toujours en pleine expansion.
Malgré les efforts louables et les mesures encourageantes des pouvoirs publics pour remédier à ce fléau qui pénalise tous les secteurs et crée un manque à gagner abyssal pour les caisses de l’État, ou du moins ne serait-ce que pour limiter la casse, l’informel ne laisse aucun répit à l’économie nationale, sur laquelle butent toutes les politiques.
Le Haut-Commissariat au Plan vient de publier les résultats d’une enquête sur ce phénomène structurel qui gangrène, année après année, tout le tissu productif.
Les chiffres, plus alarmants que jamais, sont précédés d’une précision sur le terme « informel », qui inclut toute unité de production non agricole ne disposant pas d’une comptabilité conforme à la réglementation nationale en la matière. Une précision utile pour saisir l’ampleur et la portée de cette malédiction entravant le progrès du pays.
Que l’on en juge : en dix ans, de 2014 à 2023, le pays a enregistré l’arrivée de plus de 300.000 unités de production travaillant de manière informelle, ce qui porte à plus de 2 millions le nombre d’entreprises se situant en marge du secteur formel.
77,3 % de ces unités se concentrent dans le secteur urbain, avec la région de Rabat-Salé-Kénitra qui tient le haut du podium. L’écrasante majorité de ces unités, soit 85 %, est constituée d’une seule personne, et 55,3 % d’entre elles ne disposent pas d’un local digne de ce nom. Le secteur du bâtiment en absorbe la plus grande part. Leur taux d’enregistrement administratif reste naturellement insignifiant, échappant à la fiscalité, et leur financement est généralement assuré à titre personnel.
Les hommes en sont les principaux acteurs, et seuls 2,1 % disposent d’un compte bancaire, en raison du manque d’attractivité pour leurs besoins courants.
En matière d’emploi, le secteur informel représentait 33,1 % pour le non-agricole, et sur une période s’étalant de 2014 à 2023, seuls 157.000 emplois ont été créés.
Autant de chiffres qui donnent une idée des pertes incalculables pour l’économie nationale, sachant que l’informel a vu, durant la même période, son chiffre d’affaires global passer de 409,4 milliards de dirhams à 526,9 milliards, soit une augmentation de 23 %, traduisant une nette évolution de ce secteur florissant, surtout dans l’activité commerciale, au détriment du secteur industriel, ce qui accroît le retard de ce dernier.
Les leçons à tirer de ce sombre tableau se passent de commentaires.
Par Jalil Nouri