Le Québec tourne une page majeure de sa politique d’immigration. Le gouvernement provincial a officiellement aboli, jeudi, le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), longtemps considéré comme la « voie royale » vers la résidence permanente pour des milliers d’étrangers, dont de nombreux Marocains installés au Canada pour étudier ou travailler.
Cette décision s’accompagne d’une réduction significative des seuils d’immigration permanente, qui passeront de 60 000 à 45 000 admissions dès 2026, marquant un virage plus restrictif dans la stratégie migratoire du gouvernement Legault.
La fin d’un programme emblématique
Créé en 2010, le PEQ avait rapidement séduit les étudiants internationaux diplômés d’établissements québécois et les travailleurs temporaires hautement intégrés. Grâce à des délais rapides et des critères simplifiés, il constituait la passerelle privilégiée pour s’établir durablement dans la province.
Mais confronté à des critiques sur sa gestion de l’immigration économique, Québec a progressivement resserré les conditions en 2020, provoquant une chute notable des demandes. Un léger assouplissement pour les diplômés avait été introduit en 2023, mais le programme a été suspendu en 2024 et 2025… avant d’être finalement supprimé définitivement cette semaine.
Une décision jugée « incompréhensible » par une partie des acteurs du milieu. Gabrielle Thiboutot, coprésidente de l’Association québécoise des avocats en droit de l’immigration (AQAADI), dénonce une mesure « aberrante » qui prive la province de talents déjà formés et intégrés. « On va se retrouver avec des jeunes qui travaillent ou étudient ici depuis des années, et qui vont devoir repartir ou changer de province », regrette-t-elle.
Les chiffres montrent l’importance du programme : 3 643 diplômés avaient été sélectionnés via le PEQ en 2023, contre 1 958 en 2022.
Le PSTQ, une alternative… peu prometteuse
Avec la disparition du PEQ, une seule voie économique subsiste pour immigrer au Québec : le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ), mis en place en juillet 2025.
Le système fonctionne désormais par points, inspiré des modèles australien et néo-zélandais : âge, diplômes, niveau de français, expérience professionnelle, secteur d’activité et même lieu de résidence entrent en ligne de compte. Les candidats sont invités à présenter une demande uniquement s’ils obtiennent un score jugé suffisant.
Or, le programme peine à convaincre. Les rondes d’invitations restent rares et les délais incertains. « Le PSTQ vient tout juste de commencer, mais il y a très peu d’invitations pour l’instant », avertit Me Thiboutot.
Face à cette impasse, plusieurs juristes recommandent aux travailleurs et étudiants francophones de reconsidérer leur projet d’établissement. L’avocate va même plus loin : « Ma recommandation actuelle pour les francophones, c’est sortez du Québec. »
Elle souligne que le système fédéral Entrée express — accessible partout au Canada sauf Québec — offre des délais plus courts, davantage de flexibilité et de meilleures chances d’être sélectionné.
Cette refonte majeure risque donc de bouleverser les trajectoires de milliers de Marocains ayant choisi le Québec pour sa proximité linguistique et culturelle, mais qui pourraient désormais être contraints de se tourner vers d’autres provinces canadiennes.










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