Une nouvelle directive de l’Union européenne bouleverse les règles du jeu pour les banques non-européennes opérant dans l’UE. Les banques marocaines, en première ligne, redoutent des conséquences lourdes sur les transferts de fonds des Marocains résidant à l’étranger.
Adoptée en mai 2024 par le Parlement européen et le Conseil, la Directive (UE) 2024/1619 introduit des normes plus strictes pour les succursales de banques de pays tiers – c’est-à-dire non membres de l’UE – à partir de janvier 2026. L’objectif affiché : harmoniser la supervision bancaire à l’échelle européenne et mieux encadrer les risques posés par les établissements financiers opérant en dehors du cadre réglementaire commun.
Une réforme structurante, des effets directs pour les banques marocaines
Aujourd’hui, les succursales bancaires marocaines en Europe sont soumises au droit national de chaque État membre. Une situation que la Commission européenne considère comme générant une supervision disparate, insuffisamment rigoureuse, et inadaptée à l’intégration du marché intérieur.
Avec cette directive, l’UE instaure une classification des succursales de pays tiers :
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Classe 1 pour les structures considérées comme plus risquées, ou originaires de pays figurant sur la liste noire anti-blanchiment.
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Classe 2 pour celles jugées plus petites et non complexes.
Les succursales de classe 1 devront se plier à des exigences plus lourdes en matière de gouvernance, de reporting financier, et de conformité aux normes de l’UE.
Une pression réglementaire accrue et des incertitudes pour les transferts de fonds
Un autre changement de taille : les autorités nationales pourront exiger qu’une succursale étrangère se transforme en filiale, soumise à une autorisation complète si elle dépasse certains seuils d’actifs (10 à 40 milliards d’euros). Une mesure qui inquiète particulièrement les banques marocaines, notamment en France, en Espagne, en Italie, en Belgique ou aux Pays-Bas, où résident de larges communautés marocaines.
En effet, les transferts d’argent des Marocains de l’étranger représentent près de 20 % des dépôts bancaires au Maroc. Toute entrave à la fluidité de ces opérations pourrait avoir des répercussions économiques majeures.
Le Maroc réagit : une task force pour préserver les intérêts nationaux
Face à cette réforme perçue comme une menace, le Maroc a mis en place une task force permanente composée de Bank Al-Maghrib, des ministères concernés et des grandes banques opérant en Europe. L’objectif : engager un dialogue avec la Commission européenne et les pays partenaires pour garantir la continuité des transferts et limiter les impacts sur la diaspora.
Le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a exprimé son insatisfaction :
« La manière dont la directive a été rédigée donne l’impression qu’ils veulent que les flux financiers restent au sein de l’UE », a-t-il déclaré en mars 2024, pointant un risque de réduction drastique des marges de manœuvre pour les banques marocaines.
Des solutions alternatives, notamment numériques, sont à l’étude pour contourner les obstacles à venir.
Une course contre la montre d’ici 2026
La Directive 2024/1619 est entrée en vigueur le 9 juillet 2024. Les États membres ont jusqu’au 10 janvier 2026 pour l’intégrer dans leur droit national. Les banques marocaines disposent donc de moins de deux ans pour s’adapter, négocier, ou transformer leurs structures européennes afin de rester opérationnelles et compétitives.
Pour Rabat, le défi est clair : défendre les intérêts stratégiques du pays et maintenir le lien vital avec sa diaspora, face à un encadrement bancaire européen qui se durcit.
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