Plusieurs pays arabes vont répondre à la proposition de Donald Trump de vouloir transformer la bande de Gaza en une « Côte d’Azur du Moyen-Orient ». Malheureusement, le front arabe n’a pas tenu longtemps et risque même de voler en éclats.
« Injustice »
Le plan Trump pour Gaza n’inspire rien de bon au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi ni au reste du monde arabe.
Consciente de ne pouvoir seule faire le poids face au projet du président américain Donald Trump de déplacer les Palestiniens de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie, le Caire a choisi de mobiliser le monde arabe, qui, pour une fois, affiche son unité, ou presque !
Avec le soutien de la Jordanie, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar, des alliés traditionnels des États-Unis, Le Caire a mené tambour battant des efforts diplomatiques pour empêcher un tel dessein, qualifié de « ligne rouge » et de violation des droits des Palestiniens.
L’Égypte, historiquement médiatrice dans le conflit israélo-palestinien, a adopté la position la plus déterminée contre la proposition de Trump, ulcérée par la menace du président américain de lui couper l’aide des États-Unis si elle refusait, tout comme la Jordanie, d’accueillir sur son territoire les Palestiniens qui seraient chassés de Gaza.
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a qualifié ce déplacement d’« injustice » à laquelle l’Égypte « ne peut pas participer ». « L’Égypte manque de leviers économiques, mais le soutien des pays du Golfe renforce son pouvoir de décision sur la scène internationale et face à Trump », ajoute-t-il.
La Jordanie, qui accueille déjà 2,3 millions de réfugiés palestiniens, a été tout aussi ferme. Après ses entretiens avec Trump à Washington mardi, le roi Abdallah II a réitéré la « position ferme de son pays contre le déplacement des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie ».
« Reconstruire Gaza sans déplacer les Palestiniens et s’attaquer à la situation humanitaire désastreuse devrait être la priorité pour tous », a-t-il ajouté.
Rejet de tout « compromis »
L’Arabie saoudite, qui avait participé à des pourparlers sous l’égide des États-Unis en vue d’une normalisation des relations avec Israël, a également adopté une ligne dure. Le ministère des Affaires étrangères du royaume a réitéré l’engagement de Riyad en faveur d’un État palestinien et dénoncé toute tentative de « déraciner les Palestiniens ». Et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a clairement indiqué que tout accord de normalisation avec Israël dépendait de la création d’un État palestinien.
Le Bahreïn, un autre pays du Golfe ayant normalisé ses relations avec Israël, a appelé à « l’établissement d’un État palestinien doté d’une pleine souveraineté d’une manière qui permette une coexistence pacifique avec Israël ».
« Crime très grave qui ne peut se produire »
Le chef de l’État libanais Joseph Aoun, porté à la magistrature suprême avec l’aide des États-Unis, a également rejeté mercredi « les propositions qui conduiraient à tout type de déplacement des Palestiniens (…) ou à une atteinte à leurs droits légitimes ».
Le président par intérim de la Syrie, Ahmad al-Chareh, qui a besoin de l’appui américain pour lever les sanctions frappant son pays depuis des années, a aussi qualifié le projet de Donald Trump de « crime très grave qui ne peut pas se produire ».
Pour le politologue égyptien Ahmed Maher, le message du monde arabe était clair : tout déplacement forcé est exclu et la solution au conflit israélo-palestinien « est le modèle à deux États. Toute discussion hors de ces deux points est hors de propos », déclare-t-il.
Les Émirats arabes unis rompent le front arabe face à Donald Trump !
Les Émirats arabes unis, qui avaient signé un accord de normalisation avec Israël en 2020, avaient dans un premier temps rejoint le camp des opposants au projet en rejetant tout « compromis » sur les « droits inaliénables du peuple palestinien » et toute tentative de le déplacer.
Une note dissonante s’est fait entendre dans le front uni opposé par les États arabes à la proposition du président américain Donald Trump, le 4 février, de déplacer de force deux millions de Palestiniens de la bande de Gaza.
L’ambassadeur émirati à Washington a dit ne « vraiment pas » voir « d’alternative » au plan d’éviction de la population palestinienne de Gaza annoncé par le président américain.
Interrogé sur l’existence d’une contre-proposition arabe pour la reconstruction de l’enclave palestinienne, Yousef Al-Otaiba, l’influent ambassadeur des Émirats arabes unis à Washington, indétrônable à ce poste depuis 2008, a exprimé des doutes.
Dans les faits, les Émirats ont fait savoir qu’ils ne prendraient pas part au sommet arabe d’urgence prévu au Caire si un changement n’était pas apporté au projet de résolution. « Je ne vois pas d’alternative à ce qui est proposé. Vraiment pas. Et donc, si quelqu’un en a une, nous sommes heureux d’en discuter, nous sommes heureux de l’explorer, mais elle n’a pas encore fait surface », a affirmé le diplomate durant le Sommet mondial des gouvernements, à Dubaï, mercredi 12 février.
Il a ajouté que les Émirats arabes unis « essaieraient » de trouver un terrain d’entente avec l’administration Trump. « Je pense que l’approche actuelle va être difficile », a-t-il déclaré.
« En fin de compte, nous sommes tous dans une quête de solutions. Nous ne savons simplement pas encore où cela va nous mener. »
Bien que la perspective d’un nettoyage ethnique ait suscité l’indignation du monde entier, les Émirats arabes unis l’ont qualifiée de « difficile », mais ont souligné qu’il n’y avait pas d’autres options.
Selon certaines sources, les Émirats arabes unis auraient déclaré qu’ils n’assisteraient au sommet d’urgence de la Ligue arabe sur Gaza que si la déclaration du sommet était modifiée : « Nous rejetons catégoriquement tout déplacement de Palestiniens de Gaza » en « Nous rejetons catégoriquement tout déplacement forcé de Palestiniens de Gaza ».
En d’autres termes, les Émirats arabes unis disent qu’ils ne participeront au sommet que si la Ligue arabe accepte de ne pas exclure l’idée de déplacer les Palestiniens de Gaza.
Alors que la décision de Trump sur Gaza risque d’aliéner les dirigeants arabes, le président Sissi envisagerait d’annuler sa visite officielle à Washington, prévue en principe la semaine prochaine, et des sources diplomatiques égyptiennes disent que si Trump arrête les aides économiques à l’Égypte, qui font partie des accords de Camp David, cette dernière envisagerait sérieusement de remettre en question l’accord de paix avec Israël !
Hafid FASSI FIHRI avec AFP
Voilà où mène les interventions de l’Iran et le travail catastrophique de Hamass