Le 28 avril 2025, une panne électrique d’une ampleur inédite a plongé l’Espagne dans l’obscurité, affectant la quasi-totalité du territoire. Alors que les causes techniques faisaient encore l’objet d’enquêtes, un fait inattendu a retenu l’attention : le Maroc est intervenu en urgence pour aider son voisin ibérique à rétablir l’alimentation électrique, suscitant l’admiration à l’étranger… et des interrogations à domicile.
Une aide technique massive… mais méconnue du grand public
L’intervention marocaine s’est faite via les deux interconnexions électriques sous-marines traversant le détroit de Gibraltar, reliant Fardioua à Tarifa. Grâce à ces sept câbles opérationnels depuis 1988, le Maroc a pu injecter jusqu’à 519 mégawatts, soit 38 % de sa capacité électrique, dans le réseau espagnol, permettant une relance rapide des centrales électriques, notamment dans le sud du pays.
L’Office National de l’Électricité et de l’Eau potable (ONEE) a répondu à l’appel du gestionnaire espagnol REE dans un délai record. Le président espagnol Pedro Sánchez a lui-même salué publiquement l’intervention du Maroc, la qualifiant de « déterminante ».
Mais pourquoi le Maroc a-t-il cette capacité ?
Ce soutien spectaculaire s’explique par l’accélération de la transition énergétique marocaine. Porté par une volonté stratégique, le Royaume investit massivement dans les énergies renouvelables. Selon l’AIE, la production verte du Maroc progresse de 16 % par an. Le mix énergétique national devrait atteindre 56 % d’énergie renouvelable en 2027, grâce notamment à des projets comme le complexe Noor Midelt, ou la croissance fulgurante du solaire (+57 %/an) et de l’éolien (+15 %/an).
Une démonstration silencieuse de souveraineté énergétique… mais encore des défis à relever
Cette capacité à soutenir un pays européen en crise, tout en maintenant l’équilibre de son propre réseau, témoigne d’une maturité énergétique grandissante. Et pourtant, beaucoup de Marocains découvrent encore cette prouesse, tant la communication autour de cette réussite nationale reste modeste.
L’intervention du Maroc pour secourir l’Espagne ne relève pas du hasard, mais bien d’un long processus de transformation énergétique, impulsé depuis plus d’une décennie. Ce geste solidaire, à haute portée stratégique, est le reflet des ambitions du Royaume dans le domaine des infrastructures et de la diplomatie énergétique.
Mais si cette intervention souligne un indéniable progrès, elle ne doit pas masquer les défis qui subsistent. Le Maroc reste encore fortement dépendant du charbon, qui représentera environ 50 % du mix électrique national en 2027, selon les projections. La transition énergétique est en marche, mais elle doit désormais s’accélérer sur les plans technologique, réglementaire et social, pour garantir sa durabilité.
Par ailleurs, l’accès équitable à l’énergie, notamment dans les zones rurales, ou encore la maîtrise des coûts pour les ménages et les industries, sont autant d’enjeux à concilier avec les ambitions à l’export.
Cela dit, avec une croissance annuelle de 16 % en énergies renouvelables, un objectif de 56 % d’électricité verte d’ici 2027, et 18,2 milliards de dirhams d’investissements publics prévus pour 2025, le Maroc montre clairement sa volonté de s’imposer comme un hub énergétique régional.
À l’heure des bouleversements climatiques et géopolitiques, le Royaume trace son propre chemin, avec vision, persévérance et pragmatisme. Et si les défis sont encore là, la dynamique enclenchée pourrait bien faire du Maroc, dans les années à venir, un acteur-clé de la sécurité énergétique euro-africaine.
Un tournant silencieux mais historique
Face à cette situation de crise, le Maroc a montré qu’un pays africain peut être un pilier énergétique pour le continent européen. Grâce à la planification, à l’innovation et à une vision claire portée par les hautes orientations royales, le Royaume trace son propre chemin vers une souveraineté énergétique durable.
L’aide apportée à l’Espagne pourrait bien marquer un tournant stratégique : celui où le Maroc cesse d’être perçu comme un simple partenaire périphérique, pour devenir un acteur central de la sécurité énergétique euro-africaine.