Et si le futur de l’école se jouait déjà, non pas dans les salles de classe, mais dans les lignes de code ? De l’Inde à l’Australie, de l’Arabie saoudite aux États-Unis, l’intelligence artificielle (IA) s’impose à marche forcée dans l’éducation. Le Maroc observe, hésite, mais commence lui aussi à tester ses propres réponses.
En Inde, OpenAI a distribué 500 000 licences gratuites de ChatGPT à des élèves et professeurs, accompagnées de modules de formation pour développer une « littératie IA » nationale. « Nous voulons que chaque élève puisse utiliser l’IA comme un dictionnaire ou une calculatrice », expliquait un responsable du ministère de l’éducation. En Arabie saoudite, un curriculum national d’IA concernera dès la rentrée 2025 plus de six millions d’élèves, inscrit dans la Vision 2030. En Australie, l’outil Corella promet de réduire de 25 % la paperasse des enseignants : rapports et relances automatisés pour laisser plus de temps au cœur du métier. Aux États-Unis, au Minnesota, les expérimentations restent prudentes : ChatGPT est testé pour simplifier des textes ou préparer des évaluations.
Les chercheurs voient dans cette vague une promesse et une alerte. Promesse d’une école plus personnalisée, offrant un feedback instantané, libérant du temps enseignant. Mais aussi alerte : risque de dépendance cognitive, de reproduction des biais, d’accroissement des inégalités si l’IA reste réservée aux élèves anglophones ou connectés. Dans les universités, le débat est vif : faut-il interdire ChatGPT pour protéger l’intégrité académique, ou l’enseigner comme une compétence incontournable ?
Au Maroc, l’IA figure déjà dans la stratégie Maroc Digital 2030, mais le système éducatif fait face à des urgences plus immédiates : classes surchargées, fracture numérique entre villes et campagnes, manque d’enseignants formés. Pourtant, les signaux se multiplient. À Berkane, l’ENIAD forme une première génération d’ingénieurs en IA. Et dans les débats, la question de la langue revient : comment déployer l’IA en arabe pour ne pas la réserver à une élite francophone et anglophone ?
En mai 2025, un colloque national à Berrechid a réuni chercheurs, ministère et entreprises autour d’un thème central : « Intelligence artificielle et éthique dans l’éducation ». Tous s’accordent : l’IA ne remplace pas l’enseignant, elle l’augmente. Mais elle exige une vigilance nouvelle sur l’éthique, l’évaluation et l’équité.
La réforme institutionnelle prendra du temps, mais l’IA est déjà entrée dans les foyers et les salles de classe. La responsabilité est aussi individuelle. Un enfant apprend en observant : voir un parent utiliser l’IA et expliquer ce qu’il garde ou rejette, entendre un enseignant dire « ici, l’IA m’a aidé, mais voilà ses limites », comprendre que copier n’est pas apprendre.
Le Maroc n’est pas en retard. Il est en mouvement : colloques, recherches, expérimentations locales. Mais la vague est là, et elle ne nous attend pas. La vraie question n’est plus « faut-il ou non l’IA à l’école ? » ni même « quand », mais « comment ». Et la réponse, pour le Maroc, est claire : commençons dès maintenant, à hauteur d’enfant.
Par Dr Wadih Rhondali – Psychiatre