Face à Berlin, Alger sous pression : le président allemand Frank-Walter Steinmeier a exhorté, lundi, son homologue Abdelmadjid Tebboune à accorder la grâce à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu depuis un an. Dans un message solennel, le chef de l’État allemand plaide pour un « geste humanitaire », proposant le transfert du romancier en Allemagne afin qu’il y reçoive les soins nécessaires. Pour Berlin, l’enjeu dépasse le seul cas individuel : il s’agit d’affirmer une « attitude humanitaire » et une « vision politique à long terme », comme l’a souligné M. Steinmeier, rappelant ses relations personnelles avec M. Tebboune et la qualité des liens entre les deux pays.
Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet 2025 à cinq ans de prison pour des propos jugés attentatoires à l’unité nationale, après avoir soutenu que l’Algérie avait hérité, sous la colonisation française, de territoires auparavant marocains. L’affaire a suscité une mobilisation internationale persistante et ravivé les tensions diplomatiques entre Alger et Paris. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, affirme mener un « dialogue exigeant » avec l’Algérie pour obtenir la libération de l’auteur.
L’intervention de la présidence allemande ajoute une couche de pression politique sur Abdelmadjid Tebboune, à un moment où les relations franco-algériennes traversent une crise profonde, marquée par des rappels d’ambassadeurs, des expulsions de diplomates et des restrictions sur les visas. En filigrane, la détention de Sansal cristallise des lignes de fracture : liberté d’expression contre raison d’État, mémoire coloniale contre récit national indiscutable. Des voix du monde intellectuel dénoncent un « verrouillage » du débat public, tandis que certains éditorialistes, à l’image de Franz-Olivier Giesbert, appellent Alger à « tourner la page de la guerre ».
Pour la présidence algérienne, céder à la demande de grâce exposerait à des critiques internes ; refuser, c’est prendre le risque d’un isolement accru vis-à-vis de partenaires clés. Dans cette équation, la grâce présidentielle — assortie d’un transfert humanitaire — apparaît comme une sortie par le haut : elle préserverait la face des institutions tout en répondant aux impératifs humanitaires. Le sort de Boualem Sansal est désormais un test : celui de la capacité d’Alger à concilier souveraineté, stabilité et ouverture.










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