Le coût des litiges impliquant l’État marocain a atteint en 2023 un niveau préoccupant, avec une facture de 5,4 milliards de dirhams, selon les chiffres révélés ce mardi 16 avril par Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, lors des Assises nationales sur la gestion et la prévention des litiges de l’État tenues à Rabat.
Face à cette situation, le ministre a plaidé pour une réforme systémique et courageuse du traitement des contentieux, afin de concilier la sécurisation des projets de développement et la défense rigoureuse des intérêts de l’État, des établissements publics et des collectivités territoriales.
Des dysfonctionnements coûteux
La situation actuelle résulte, selon Fouzi Lekjaa, de plusieurs dysfonctionnements structurels : une coordination insuffisante entre les administrations et l’Agence judiciaire du Royaume, un cadre juridique partiellement obsolète, des carences en compétences spécialisées, ainsi qu’un recours mal maîtrisé aux expertises judiciaires. Ces défaillances pèsent lourdement sur le budget public, notamment dans les domaines de l’expropriation, des marchés publics, de la responsabilité administrative et des investissements.
Une vision intégrée en préparation
Pour y remédier, le gouvernement entend mettre en place une stratégie de réforme intégrée, fondée sur la prévention, la gestion des risques juridiques, la professionnalisation des services juridiques et la promotion des modes alternatifs de règlement des différends, tels que la médiation et l’arbitrage. Parmi les mesures annoncées figurent également la création de modèles contractuels types, la mise en place de procédures contentieuses unifiées, et le renforcement des départements juridiques des institutions publiques.
« L’objectif est clair : réduire les risques, rationaliser les dépenses publiques et restaurer la confiance dans l’administration », a souligné Lekjaa.
Une tendance inquiétante sur dix ans
Prenant la parole lors de la même rencontre, Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des Finances, a quant à elle alerté sur l’explosion du nombre de contentieux au cours des dix dernières années. En effet, les dossiers reçus par l’Agence judiciaire du Royaume sont passés de 14.505 en 2014 à 21.218 en 2024, soit une hausse de près de 100 %. Mais ces chiffres ne représentent, selon elle, qu’une partie de la réalité : près de 60.000 affaires impliquant l’État sont enregistrées chaque année devant les juridictions administratives.
« Ce phénomène constitue un défi majeur pour le gouvernement », a déclaré la ministre, en soulignant que malgré les efforts déployés pour améliorer les services publics et l’attractivité économique du pays, la multiplication des litiges reste un frein au développement, à la stabilité juridique des projets structurants et à la confiance des citoyens et investisseurs.
Vers une gouvernance juridique renforcée
Face à cette situation, les responsables gouvernementaux insistent sur la nécessité d’une gestion proactive, coordonnée et préventive des contentieux administratifs. Il ne s’agit plus seulement de réagir, mais d’anticiper, d’outiller les institutions, et de faire du droit un vecteur de stabilité, d’efficacité et de transparence dans la conduite des politiques publiques.