Sommes-nous à la veille d’un tournant diplomatique et géopolitique majeur, que ce soit chez les Européens qui fustigent l’escalade à Gaza ou à la Maison-Blanche, qui a menacé de ne plus soutenir Tel-Aviv ?
Tournants diplomatique et géopolitique ?
Alors que l’indignation mondiale s’amplifie au moment où, jour après jour, les opérations militaires de Tsahal s’accentuent dans la bande de Gaza, malgré des appels incessants à leur arrêt, des réactions commencent à se faire entendre.
Que faut-il vraiment en penser ? Sommes-nous à la veille d’un tournant diplomatique et géopolitique majeur, que ce soit chez les Européens ou à la Maison-Blanche, qui a menacé de ne plus soutenir Tel-Aviv ?
Une escalade « moralement injustifiable » pour Londres
Ainsi, après avoir convoqué l’ambassadrice d’Israël suite à l’intensification de l’offensive contre les civils, le gouvernement britannique a suspendu mardi les négociations de libre-échange avec Israël et imposé des sanctions aux colons de Cisjordanie, quelques heures après avoir promis des « actions concrètes » si Israël ne mettait pas fin à sa nouvelle offensive militaire à Gaza.
L’escalade de l’offensive est « moralement injustifiable, totalement disproportionnée et contre-productive », a fustigé le chef de la diplomatie britannique, David Lammy.
Et puis, les Vingt-Sept ont décidé de réexaminer leur accord d’association avec Israël. Une décision qui a beaucoup tardé, car pendant que Donald Trump faisait fructifier son business au sein des monarchies du Golfe, les Européens ont certainement compris qu’ils avaient beaucoup à gagner – et surtout beaucoup à perdre – avec le monde arabe.
L’Union européenne a ainsi annoncé mardi qu’elle allait lancer un réexamen de son accord d’association avec Israël à la lumière des derniers événements à Gaza, à l’issue d’une journée où se sont multipliées en Europe les prises de parole fustigeant l’offensive de l’État hébreu dans l’enclave palestinienne.
Mais il faut reconnaître que la question de la suspension des accords d’association avec Israël est sur la table depuis quelques années, et c’est certainement l’obstination de Netanyahou à poursuivre aveuglément sa campagne génocidaire qui a précipité la décision de l’exécutif européen.
Le jour où l’UE a décidé de réexaminer son accord d’association avec Israël
Si la Commission estime qu’Israël ne respecte pas ses engagements en matière de droits de l’homme, elle devra proposer des mesures pouvant aller jusqu’à une suspension de ce texte, signé en 1995, qui régit les relations politiques et commerciales des Vingt-Sept avec l’État hébreu.
Mi-février 2024, quatre mois après les attaques commises par le Hamas le 7 octobre 2023, Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, et Leo Varadkar, son homologue irlandais, demandaient dans une lettre à la Commission européenne d’entreprendre un « examen urgent pour déterminer si Israël respecte ses obligations, y compris dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël ».
Au regard des multiples violations du droit humanitaire par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, documentées par les ONG, et des quelque 28 000 victimes palestiniennes alors comptabilisées, les deux dirigeants s’interrogeaient sur le respect de ce texte.
Celui-ci régit depuis 1995 à la fois la relation politique entre les deux partenaires et la libéralisation de leurs échanges commerciaux. Il stipule, à l’article 2, que les signataires s’obligent au « respect des droits de l’homme et des principes démocratiques ». La Commission avait alors ignoré la missive des deux Premiers ministres.
Quinze mois plus tard, mardi 20 mai, à Bruxelles, alors que la bande de Gaza est sous blocus humanitaire depuis onze semaines et que le bilan humain dépasse désormais les 52 000 morts, des civils en majorité, Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne, a annoncé l’examen par la Commission du respect par Israël de leur accord d’association.
La déclaration conjointe du Royaume-Uni, de la France et du Canada
Dans la déclaration conjointe des dirigeants du Royaume-Uni, de la France et du Canada sur la situation à Gaza et en Cisjordanie, on peut lire :
« Nous nous opposons fermement à l’expansion des opérations militaires israéliennes à Gaza. Le niveau de souffrance humaine à Gaza est intolérable. L’annonce d’hier selon laquelle Israël autorisera l’entrée d’une quantité minimale de nourriture à Gaza est totalement insuffisante. Nous appelons le gouvernement israélien à cesser ses opérations militaires à Gaza et à permettre immédiatement l’entrée de l’aide humanitaire. Cela doit inclure une coopération avec l’ONU afin d’assurer le rétablissement de la livraison de l’aide conformément aux principes humanitaires.
Nous appelons le Hamas à libérer immédiatement les otages restants qu’il détient cruellement depuis le 7 octobre 2023.
Le refus du gouvernement israélien de fournir une assistance humanitaire essentielle à la population civile est inacceptable et risque de violer le droit international humanitaire. Nous condamnons le langage odieux récemment utilisé par des membres du gouvernement israélien, menaçant que, face au désespoir provoqué par la destruction de Gaza, les civils commenceront à se déplacer. Le déplacement forcé permanent constitue une violation grave du droit international humanitaire.
Israël avait subi une attaque odieuse le 7 octobre. Nous avons toujours soutenu le droit d’Israël à se défendre contre le terrorisme. Mais cette escalade est totalement disproportionnée.
Nous ne resterons pas inactifs pendant que le gouvernement Netanyahou poursuit ces actions scandaleuses. Si Israël ne cesse pas l’offensive militaire renouvelée et ne lève pas ses restrictions sur l’aide humanitaire, nous prendrons d’autres mesures concrètes en réponse.
Nous nous opposons à toute tentative d’expansion des colonies en Cisjordanie. Israël doit mettre fin aux colonies qui sont illégales et sapent la viabilité d’un État palestinien et la sécurité des Israéliens comme des Palestiniens. Nous n’hésiterons pas à prendre d’autres mesures, y compris des sanctions ciblées.
Nous soutenons fermement les efforts déployés par les États-Unis, le Qatar et l’Égypte pour obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Il s’agit d’un cessez-le-feu, de la libération de tous les otages restants et de discussions politiques à long terme qui offrent le meilleur espoir de mettre fin à la souffrance des otages et de leurs familles, d’alléger la souffrance des civils à Gaza, de mettre fin au contrôle du Hamas sur Gaza et de parvenir à une solution à deux États, conformément aux objectifs de la conférence du 18 juin à New York, coprésidée par l’Arabie saoudite et la France.
Ces négociations doivent réussir, et nous devons tous travailler à la mise en œuvre d’une solution à deux États, seule voie vers une paix et une sécurité durables auxquelles Israéliens et Palestiniens ont droit, et pour assurer la stabilité à long terme dans la région.
Nous continuerons à travailler avec l’Autorité palestinienne, les partenaires régionaux, Israël et les États-Unis pour parvenir à un consensus sur les arrangements pour l’avenir de Gaza, en s’appuyant sur le plan de paix arabe. Nous soulignons le rôle important de la conférence de haut niveau sur la solution à deux États à l’ONU en juin pour bâtir un consensus international autour de cette question. Nous sommes déterminés à reconnaître un État palestinien comme contribution à la réalisation d’une solution à deux États, et sommes prêts à travailler avec d’autres pour y parvenir. »