Le 12 juin dernier, la Chine a annoncé la suppression des droits de douane sur les produits en provenance de 53 pays africains, dont le Maroc. Une décision saluée comme un geste fort d’ouverture commerciale, surtout à l’heure où les États-Unis de Donald Trump poursuivent une politique protectionniste agressive. Mais derrière cet affichage diplomatique flatteur, des doutes persistent quant à la portée réelle de cette mesure pour les économies africaines.
Avec ses 1,4 milliard de consommateurs, le marché chinois représente un eldorado potentiel pour les exportateurs africains. Pékin affirme vouloir jouer un rôle moteur dans le développement du Sud global, se présentant comme un partenaire fiable et non intrusif. Le Maroc, relativement avantagé avec un taux d’imposition bas de 10 % à l’export, pourrait espérer élargir sa part dans le marché chinois. Pourtant, la réalité est plus complexe.
Malgré l’envolée des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique – qui ont atteint près de 296 milliards de dollars en 2024 – le déséquilibre persiste. Le déficit commercial pour l’Afrique dépasse les 61 milliards de dollars. Et pour cause : l’essentiel des exportations africaines vers la Chine demeure constitué de matières premières peu ou pas transformées, comme le pétrole, le cuivre ou les phosphates.
Même le Maroc, pourtant parmi les économies les plus industrialisées du continent, peine à y exporter des produits à haute valeur ajoutée. “L’Afrique ne dispose pas des capacités industrielles suffisantes pour concurrencer les produits chinois”, résume Xavier Aurégan, maître de conférences et auteur de Chine, puissance africaine. “Cette ouverture tarifaire est davantage symbolique que structurelle.”
En parallèle, la Chine n’a pas renoncé à ses intérêts : selon plusieurs analystes, Pékin pourrait exiger en retour une ouverture accrue des marchés africains à ses technologies vertes et industrielles. L’enjeu est clair : asseoir davantage sa puissance économique sur le continent.
Au final, le “zéro douane” est un signal fort, mais il ne suffira pas. L’Afrique, et le Maroc en particulier, ont besoin d’investissements massifs dans l’industrie et la transformation. Et sur ce terrain, la Chine est encore loin de rivaliser avec les États-Unis ou l’Europe.
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