Le rêve de relier physiquement l’Afrique à l’Europe à travers un tunnel sous le détroit de Gibraltar est en train de se transformer en réalité. Le Maroc et l’Espagne, partenaires historiques sur ce projet visionnaire, s’activent pour poser les bases concrètes de ce méga-projet ferroviaire, prévu pour 2040 et estimé à plus de 15 milliards d’euros.
La Société espagnole SECEGSA, en charge de l’étude du projet côté espagnol, a récemment lancé deux études de faisabilité technique : l’une portant sur l’analyse géotechnique du seuil de Camarinal, l’autre sur la surveillance sismique du détroit, en partenariat avec Herrenknecht Ibérica et Tekpam Ingeniería. Les résultats sont attendus pour septembre 2025, marquant une étape-clé vers la concrétisation de cette infrastructure stratégique.
Le tunnel prévu s’étendra sur 60 kilomètres, dont 28 kilomètres sous-marins, et reliera Tanger au port d’Algésiras en Espagne. Ce serait alors l’un des plus longs tunnels sous-marins du monde, devançant même l’Eurotunnel et le Seikan japonais. La première phase prévoit une galerie unique bidirectionnelle, avant un doublement dans une seconde phase pour améliorer la capacité et la sécurité.
Un pont stratégique entre deux mondes
La connexion directe entre l’Espagne et le Maroc ne représente pas seulement un exploit technologique, mais aussi un levier stratégique majeur pour le développement des deux nations. Ce tunnel renforcera la coopération économique, énergétique et culturelle entre les deux rives de la Méditerranée, tout en réduisant les délais logistiques et les coûts de transport. Pour le Maroc, c’est une opportunité unique de positionner Tanger comme la véritable porte d’entrée de l’Afrique vers l’Europe, facilitant l’exportation de produits africains vers les marchés européens. Pour l’Espagne et l’Union européenne, ce lien offre une nouvelle dynamique d’échanges avec un continent en pleine croissance, en favorisant des relations plus équilibrées et mutuellement bénéfiques.
Une ambition continentale
Au-delà du symbole, ce projet s’inscrit dans une vision plus large d’intégration économique et logistique. Il facilitera non seulement le commerce et le transport de marchandises, mais boostera également le tourisme, les échanges culturels et le rôle du Maroc comme hub logistique majeur en Afrique du Nord.
Dans cette optique, le Royaume chérifien s’emploie activement à moderniser son réseau ferroviaire, avec l’ambition de prolonger la ligne TGV de Tanger jusqu’au sud du pays, tout en développant des connexions efficaces avec les ports stratégiques, dont Tanger Med, l’un des plus grands ports d’Afrique.
Un financement européen stratégique
L’Union européenne, consciente des enjeux géopolitiques et économiques de cette liaison intercontinentale, apporte un soutien financier croissant. En 2024, plus de 2 millions d’euros de fonds européens ont été mobilisés, preuve que ce tunnel est perçu comme un projet structurant pour l’avenir du bassin méditerranéen.
Un défi technique et humain
Si les ambitions sont immenses, les défis techniques, géologiques et financiers le sont tout autant. La zone du détroit est soumise à une forte activité sismique et à des courants marins complexes. Mais les deux pays misent sur une coopération bilatérale renforcée, l’expertise internationale et l’innovation pour surmonter ces obstacles.
Le tunnel du détroit de Gibraltar ne reliera pas seulement deux continents : il symbolisera une nouvelle ère de rapprochement, de mobilité et de co-développement entre l’Europe et l’Afrique.