À cinq ans de la Coupe du Monde 2030, que le Maroc coorganisera avec l’Espagne et le Portugal, un chantier invisible mais crucial s’impose en toile de fond : celui de la lutte contre la mendicité et l’errance dans l’espace public. Si certaines villes marocaines comptent davantage de mendiants et de sans-abri que d’autres, le constat est généralisé : aucune grande ville n’est épargnée, et l’ampleur du phénomène reste difficile à quantifier, tant les formes de précarité urbaine se sont diversifiées.
Dans cette perspective, et bien que le Royaume ait déjà montré sa capacité à relever de grands défis, l’enjeu d’une réhabilitation humaine et urbaine s’annonce autrement plus complexe. Redonner de la dignité aux personnes marginalisées, sécuriser les espaces publics, et présenter une image valorisante du pays aux visiteurs du monde entier, exige une stratégie nationale globale, associant l’État, les collectivités territoriales et la société civile.
La mendicité, devenue parfois un métier organisé, s’appuie sur des ruses bien rodées. Elle coexiste avec une autre forme de misère plus profonde : celle des clochards, souvent atteints de troubles mentaux ou en proie à des addictions, parfois agressifs, souvent livrés à eux-mêmes. Les communes, démunies en ressources humaines et financières, ne peuvent faire face seules à ce double fléau qui gagne du terrain.
Plus préoccupant encore, le phénomène s’étend à des zones inattendues, notamment les points de péage autoroutiers. Des femmes, enfants ou hommes y quémandent entre les files de voitures, exposés au danger et créant un malaise chez les usagers, dans des zones censées être strictement réglementées. Un problème de sécurité routière autant que de dignité humaine, qui soulève la question du laxisme dans la gestion de ces espaces.
Au-delà de ces aspects visibles, plusieurs enjeux restent sous-estimés. Le premier concerne le vide juridique entourant ces situations : entre tolérance, criminalisation et absence de solutions de réinsertion, la loi laisse les acteurs publics sans ligne directrice claire. Ensuite, le rôle de la société civile, bien que discret, demeure crucial : de nombreuses associations œuvrent sans relâche à offrir soins, repas, abri ou écoute. Ces efforts gagneraient à être consolidés par un partenariat formel avec les pouvoirs publics. Enfin, la question de la santé mentale et des addictions doit être traitée en profondeur : créer des centres spécialisés et des unités mobiles de prise en charge devient urgent pour envisager une réinsertion réelle.
Le Maroc gagnerait aussi à s’inspirer des pays ayant réussi à endiguer ces fléaux. Certaines nations ont mis en place des politiques efficaces, alliant hébergement d’urgence, suivi social, insertion professionnelle et encadrement psychologique, avec des résultats notables.
Cinq années nous séparent du Mondial 2030, un événement qui mettra le pays sous les projecteurs du monde entier. Il est grand temps de traiter cette problématique avec ambition, dignité et humanité. Car au-delà de l’enjeu d’image, c’est aussi la promesse d’une société plus juste et inclusive qui est en jeu.
Par Salma Semmar
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