Il ne fait pas bon s’aventurer, ces jours-ci, dans les couloirs sombres du ministère de la Santé à Rabat et des délégations régionales, où l’on vit dans l’attente anxieuse de sanctions. Depuis les premières secousses à Agadir, l’onde de choc s’étend à d’autres régions. Partout, les hôpitaux s’échinent à afficher une normalité de façade, masquée tant bien que mal par une frénésie de travaux de dernière minute et le rappel in extremis de médecins et de fonctionnaires absents.
La santé publique est une priorité évidente. Ses acteurs auraient dû s’y préparer depuis longtemps, au lieu de laisser dériver le secteur entre négligences, abus et dilapidation de fonds publics. Médecins et directeurs introuvables, personnels incompétents ou indélicats, conditions d’accueil et d’hospitalisation défaillantes, parfois indignes, exode d’environ 600 médecins par an : les Marocains sont malades de leur système de santé—et la guérison se fait attendre.
La patience et la résignation ont atteint leurs limites. Il faut soigner un secteur gravement atteint avec de véritables stratèges des systèmes de santé, pas avec des pansements communicants. Or, c’est précisément au moment où le mandat gouvernemental touche à sa fin—quand les décisions structurantes s’imposent—que les scandales de gestion éclatent, laissant craindre que l’on ne « jette le bébé avec l’eau du bain » et que l’héritage soit refilé au prochain exécutif.
Le ministre fraîchement arrivé, qui découvre encore ses dossiers et dont l’avenir dépend de l’issue électorale, ne semble pouvoir offrir, au mieux, qu’un replâtrage cosmétique mâtiné de calculs politiques. Les décisions prises dans la précipitation donnent l’impression d’un rafistolage brouillon, assorti d’une chasse aux sorcières contre-productive. Puiser dans les « bourses » ne suffit pas : l’argent sans cap n’a jamais fait une politique.
L’urgence est d’établir une stratégie lisible, chiffrée et pilotée, en revenant aux fondamentaux qu’avait commencé à remettre à plat l’ancien ministre El Ouardi : gouvernance, planification territoriale, ressources humaines, maintenance hospitalière, filières d’excellence et qualité des soins. C’est à ce prix seulement que la santé publique retrouvera souffle et crédibilité.
Par Jalil Nouri