La réforme de la Moudawana, annoncée comme l’un des chantiers majeurs du règne en matière de droits de la famille et de justice sociale, peine à franchir le cap décisif de l’adoption parlementaire. Des mois après sa transmission au Législatif, le nouveau Code de la famille remanié s’éternise entre commissions et consultations, au rythme d’échanges tendus entre réformateurs et courants conservateurs.
Un texte pris en otage par les résistances conservatrices
Au cœur du blocage : plusieurs articles jugés sensibles par une partie des groupes parlementaires, qui y voient des dispositions contraires à la religion, au droit coutumier ou aux traditions sociales.
Les débats au sein de la commission chargée des affaires islamiques sont souvent marqués par des prises de position rugueuses, chaque camp revendiquant sa légitimité : d’un côté, ceux qui défendent une meilleure protection des femmes, des enfants et de l’institution familiale ; de l’autre, ceux qui redoutent un « bouleversement des équilibres » au nom de la modernisation.
Cette crispation politique explique en grande partie pourquoi la mouture finale peine à émerger, malgré un long processus de concertation.
Une réforme portée à l’origine par le Roi
C’est pourtant le Souverain qui a été à l’initiative de cette refonte du Code de la famille, jugeant indispensables des ajustements sur les dispositions devenues caduques ou inadaptées à la réalité sociale du pays. Une commission royale dédiée a ainsi été chargée d’élaborer une nouvelle version du texte, revue à deux reprises avant d’obtenir l’assentiment royal puis d’être transmise au Parlement.
Aucun délai strict n’avait été imposé pour l’aboutissement du processus législatif, mais le temps long de la politique semble désormais se heurter aux attentes grandissantes de la société, notamment de la part des femmes, des familles monoparentales et des associations de défense des droits humains.
Un parcours législatif semé d’obstacles
Entre allers-retours techniques, lectures croisées et réécritures partielles, la réforme donne l’impression de courir un interminable « saut d’obstacles » institutionnel. La mouture finale, censée être soumise à un vote d’adoption ou de rejet, reste encore suspendue à des compromis difficiles à trouver.
À chaque étape, les lignes rouges de certains partis ralentissent l’avancée du dossier, transformant un débat juridique et sociétal en bras de fer politique et idéologique.
Des enjeux politiques en toile de fond
Le gouvernement, lui, ne cache pas son souhait de voir ce chantier aboutir avant les prochaines échéances électorales. L’adoption du nouveau Code de la famille serait en effet un argument politique de poids, notamment auprès de l’électorat féminin, à qui la réforme promet davantage de protection et de droits.
Mais l’Exécutif se heurte à une réalité parlementaire complexe et devra, visiblement, patienter encore avant de pouvoir capitaliser sur ce texte présenté comme un tournant majeur pour la société marocaine.
Vers une possible intervention royale ?
Si le blocage venait à perdurer, un scénario se dessine déjà dans les esprits : celui d’une intervention directe du Roi pour accélérer la cadence et mettre fin aux conciliabules sans fin. En tant qu’Amir Al Mouminine et garant de l’équilibre entre référentiel religieux, modernité juridique et cohésion sociale, le Souverain pourrait, le moment venu, trancher pour que la réforme sorte enfin des limbes parlementaires.
En attendant, la Moudawana nouvelle version reste à la porte du vote final, symbole d’un Maroc en débat avec lui-même, partagé entre fidélité à ses références et aspiration à une justice familiale plus équitable.
Par Mounir Ghazali










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