Le Royaume du Maroc s’apprête à bouleverser la carte maritime de la Méditerranée avec le lancement prochain du port Nador West Med, un méga-projet situé à seulement 50 kilomètres de Melilla. Prévu pour entrer en service entre fin 2026 et début 2027, ce port ambitionne de devenir l’un des hubs logistiques majeurs entre l’Europe et l’Afrique, suscitant déjà l’inquiétude chez son voisin espagnol, notamment pour l’avenir du port d’Algésiras, considéré jusqu’ici comme un point stratégique d’entrée vers le continent africain.
Dès sa mise en service, Nador West Med sera doté d’une capacité initiale de 3,5 millions de conteneurs, extensible à 5,5 millions, soit presque le volume traité par Algésiras en 2024 (4,7 millions). Mais la force du projet ne réside pas uniquement dans ses capacités logistiques : il s’accompagne d’une zone industrielle franche de 8.000 hectares et d’une plateforme énergétique intégrée comprenant des stations de carburant, de charbon, ainsi qu’un terminal flottant de gaz naturel liquéfié (GNL) relié au gazoduc Maghreb-Europe.
Ce vaste chantier s’inscrit dans le plan marocain de transition énergétique, fort d’un investissement de 11 milliards d’euros d’ici à 2030, affirmant la volonté du Royaume de s’imposer comme un acteur énergétique et logistique incontournable dans la région.
L’ombre du succès du port de Tanger Med, qui a franchi la barre des 10,2 millions de conteneurs en 2024, plane sur ce projet. Ensemble, Tanger Med et Nador West Med forment une alliance logistique redoutable, capable de rivaliser avec les plus grands ports du bassin méditerranéen, et particulièrement ceux du sud de l’Espagne.
Face à cette montée en puissance, les autorités espagnoles tirent la sonnette d’alarme. Des voix s’élèvent à Algésiras et Melilla, pointant du doigt le soutien financier de plus de 300 millions d’euros de la BERD au projet marocain, qu’ils considèrent comme une ingérence économique de Bruxelles au détriment des intérêts portuaires espagnols.
Cette évolution stratégique du Maroc soulève ainsi de nouvelles lignes de fracture économique dans la région. Une chose est certaine : la bataille maritime pour la Méditerranée occidentale est bel et bien engagée.