Dans la salle d’audience, l’air était lourd, saturé de murmures et de regards inquiets. Ce matin-là, je n’étais là que pour soutenir un ami, arrêté pour un chèque sans provision. Je m’attendais à un procès simple, bref… mais ce que j’ai vu ce jour-là allait me marquer bien au-delà de cette affaire.
Un à un, les détenus ont été amenés, mains liées, visages fermés. Une dizaine d’hommes, chacun portant son lot de peurs et d’espoirs, se sont avancés devant le juge. Les charges variaient : petits délits, erreurs de parcours, accident mortel… Mais parmi eux, quatre visages m’ont particulièrement frappé. Leur « crime » ? Ne pas avoir payé la nafaqa, cette pension due à leurs ex-épouses.
Dans le silence glacé de la salle, j’entendais leurs voix trembler. Ce n’était pas de l’arrogance ni du refus d’assumer leurs responsabilités… c’était la voix de la misère. Ils parlaient d’un emploi qu’ils avaient perdu, de factures qui s’entassaient, de journées passées à chercher du travail sans succès. Leurs mains calleuses, leurs habits usés, tout racontait la même histoire : celle d’hommes en marge, que la vie a laissés sur le trottoir de l’indifférence.
En face, leurs ex-épouses, droites comme des statues, le regard froid, toutes élégantes comme pour montrer à leurs ex que tout va bien pour elles sans eux. Pas un mot de compassion, pas un geste d’apaisement. Même lorsque l’un d’eux, la voix brisée, promit de payer dès qu’il retrouverait un emploi, aucune expression n’effleura leur visage. Comme si la vengeance avait pris la place de la compréhension.
Le juge, impassible, prononça des condamnations lourdes, presque mécaniques, pour certains, tandis que d’autres virent leur affaire reportée. Les quatre hommes déjà fixés sur leur sort retournèrent en cellule, la tête basse, comme si la prison devenait le seul endroit où ils pouvaient encore dormir sans craindre le lendemain.
En quittant le tribunal, je ressentis une étrange amertume. Ce jour-là, j’avais vu la justice rendre ses verdicts… mais j’avais aussi vu l’humanité s’éteindre, remplacée par un mur de rancune et de douleur. Et je me suis demandé : dans cette guerre silencieuse entre anciens amants, qui est réellement puni ?
Par A.B.