Dans un contexte de demande atone et de volatilité des cours, Ryad, Moscou et six autres membres de l’Opep+ ont choisi la retenue. Réunis dimanche en ligne, ils ont décidé d’augmenter leurs quotas de production de seulement 137.000 barils par jour (b/j) en novembre par rapport au niveau requis en octobre, a indiqué l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) dans un communiqué. L’objectif : poursuivre la stratégie de reconquête de parts de marché engagée depuis avril, sans provoquer une dégringolade des prix.
Cette hausse, plus modeste que les 500.000 b/j évoqués dans la presse, répond à un marché devenu « nerveux ». « Le groupe des huit a agi avec prudence après avoir constaté à quel point le marché était devenu nerveux », explique à l’AFP Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy. À ses yeux, la coalition « calme les esprits, pour l’instant », tout en évoluant « sur une corde raide entre le maintien de la stabilité des prix et la reconquête de parts de marché » dans un contexte d’excédent d’offre.
Depuis le printemps, l’Arabie saoudite, la Russie, l’Irak, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Kazakhstan, Oman et l’Algérie ont, à eux seuls, ajouté plus de 2,5 millions de b/j à leurs quotas. Un virage stratégique inattendu pour un cartel qui, ces dernières années, luttait contre l’érosion des cours à coups de coupes coordonnées.
Cette inflexion s’explique par la poussée de la production non-Opep+, « aux plus hauts historiques ou proches » aux États-Unis, au Brésil, au Canada, au Guyana et en Argentine, observe l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Or, la demande mondiale reste « largement inchangée » et ne progresserait que d’environ 700.000 b/j en 2025 comme en 2026, selon l’AIE. L’Opep, plus optimiste, anticipe +1,3 million de b/j en 2025 et +1,4 million en 2026. Dans ce contexte, le Brent a glissé sous 65 dollars vendredi, cédant environ 8 % sur une semaine, lesté par la perspective d’une hausse de production plus marquée.
Pour Moscou, deuxième pilier de la coalition derrière Ryad, l’ajout de 137.000 b/j demeure « gérable », juge Jorge Leon. Une accélération « trois ou quatre fois supérieure » aurait en revanche été « difficile » et aurait mis à l’épreuve la cohésion du groupe. La Russie, qui finance en partie son effort de guerre en Ukraine grâce à la rente pétrolière, dispose d’un potentiel de relance limité, sous pressions occidentales et contraintes techniques. Sa production actuelle tournerait autour de 9,25 mb/j, pour une capacité maximale de 9,45 mb/j, contre environ 10 mb/j avant la guerre, selon Homayoun Falakshahi (Kpler).
Par ailleurs, l’intensification depuis août des frappes ukrainiennes contre des raffineries russes a accru les exportations de brut, « faute de pouvoir l’écouler domestiquement », note Arne Lohmann Rasmussen (Global Risk Management), renforçant la dépendance de Moscou aux marchés extérieurs.
Au final, la décision de novembre prolonge un difficile exercice d’équilibriste : défendre des parts de marché face à des concurrents en pleine forme, sans casser davantage des prix déjà fragilisés. Tout l’enjeu, pour l’Opep+, sera de calibrer finement ses pas de deux prochains mois, à mesure que se préciseront les trajectoires de la demande en 2025–2026.
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