À moins de deux jours du coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des Nations, Rabat peaufine son costume de ville-hôte. Les drapeaux, l’effervescence, les regards tournés vers les stades et les fan zones : tout annonce une capitale qui s’apprête à vivre au rythme du football africain. Sauf qu’au Maroc, il existe un autre sport national, discret mais redoutablement maîtrisé : celui du sprint final… à la dernière minute.
Dernier exemple en date : l’avenue de la Victoire, l’une des plus grandes artères de Rabat, où des travaux viennent tout juste de démarrer pour l’aménagement de kiosques commerciaux. De petits espaces censés accueillir, très probablement, des produits artisanaux et d’autres articles destinés aux visiteurs et supporters. Sur le papier, l’idée est bonne : donner une vitrine aux savoir-faire locaux, créer de l’animation, offrir un parcours plus vivant et plus accueillant dans une capitale qui veut séduire l’Afrique entière.
Mais une question s’impose, presque naturellement : pourquoi commencer maintenant ? Pourquoi ces kiosques n’ont-ils pas été installés une ou deux semaines plus tôt, afin de laisser le temps aux futurs exploitants de s’organiser, d’aménager correctement leurs stands, de préparer une présentation digne d’un événement continental ? À croire que l’on découvre chaque fois, avec une naïveté touchante, que “moins deux jours” signifie… moins deux jours.
On connaît la musique : on accélère, on bétonne, on visse, on peint, on nettoie, on aligne, on installe. Et puis, miraculeusement, tout sera prêt “à la dernière heure”, comme toujours. C’est là tout le paradoxe marocain : une capacité réelle à réussir l’impossible, mais souvent au prix d’un stress collectif inutile, d’une improvisation qui frôle parfois l’amateurisme, et d’un message envoyé aux professionnels — artisans, commerçants, exposants — comme quoi leur installation et leur confort logistique comptent… après le reste.
Rabat mérite mieux que cette habitude de courir derrière le calendrier. Parce qu’accueillir la CAN, ce n’est pas seulement montrer des stades et des hôtels : c’est aussi soigner les détails, offrir du temps aux acteurs locaux, et donner à la ville l’allure d’une capitale prête — pas d’une capitale qui “sera prête dans deux heures”.
Oui, Rabat sera au rendez-vous. Oui, les kiosques seront installés. Oui, on trouvera toujours une façon de finir. Mais à force de confondre efficacité et précipitation, on finit par ériger la dernière minute en méthode de travail. Et ça, ce n’est ni un folklore, ni une fierté : c’est une manie dont il serait temps de se débarrasser… surtout quand l’Afrique entière nous regarde.
Par Abdelrhni Bensaid










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Analyse très pertinente qui résume tout.