Le projet de loi 59.24 sur l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et l’innovation, fraîchement adopté par le Conseil du gouvernement, plonge l’université marocaine dans une zone de turbulences. Présenté comme une réforme structurelle par l’Exécutif, le texte est perçu par une large partie de la communauté universitaire comme une remise en cause de l’autonomie institutionnelle et un pas vers une privatisation déguisée du système.
Le Syndicat national de l’enseignement supérieur a rapidement convoqué une réunion d’urgence pour dénoncer une « approche exclusiviste » du ministère, qui a soumis le projet sans concertation préalable. Il accuse le ministre de n’avoir pas respecté ses engagements pris en juillet dernier concernant le doctorat français, les promotions et les avantages fiscaux liés à la recherche. Le syndicat appelle à un front national pour défendre l’université publique et se dit prêt à « toutes les formes de lutte ».
Les enseignants-chercheurs progressistes, pour leur part, jugent le projet comme une « attaque frontale » contre l’université. Ils estiment que le texte vide la loi 01.00 de son esprit réformateur, réduit les structures représentatives élues à de simples instances consultatives et transfère leurs prérogatives à un « conseil d’administration » assimilé à un conseil de tutelle. Selon eux, la réforme transforme l’enseignant en exécutant et l’étudiant en client, ouvrant la voie à une marchandisation du savoir.
La contestation dépasse les rangs enseignants. Étudiants en médecine, ingénieurs et universitaires dénoncent un texte centralisateur qui menace l’unité de l’enseignement supérieur et fragilise le principe de gratuité. Des grèves nationales sont déjà programmées par plusieurs syndicats, dont la Confédération démocratique du travail (CDT) : 48 heures de grève début septembre, suivies de débrayages répétés et de sit-in devant le ministère de tutelle.
À l’approche de la rentrée universitaire, les tensions s’exacerbent. Entre un gouvernement déterminé à faire passer sa réforme et une communauté académique mobilisée pour préserver ses acquis démocratiques, le bras de fer s’annonce décisif. Plus qu’une simple bataille de textes, le projet de loi 59.24 cristallise un débat national sur l’avenir de l’université publique marocaine et son rôle dans la société.