Le constat est ancien, mais s’aggrave : le Maroc figure parmi les pays où l’on lit le moins. L’irruption du smartphone et la domination des réseaux sociaux n’ont fait qu’accélérer une désaffection de la lecture, sans réponse à la hauteur du défi de la part des pouvoirs publics. Résultat : un appauvrissement du temps long, de l’attention et de l’imaginaire, avec des effets visibles sur l’école, l’employabilité et la citoyenneté.
La cherté du livre demeure l’argument central. Entre un pouvoir d’achat contraint, des coûts d’édition/importation élevés et des frais de transport et de dédouanement dissuasifs, qu’il s’agisse de titres en français ou en arabe, l’accès reste inégal. Les libraires, en première ligne, évoquent une crise structurelle qui a déjà provoqué de multiples fermetures ; le réseau de points de vente se réduit, raréfiant l’offre hors des grands centres urbains.
Face à cette érosion, des solutions existent et peuvent être combinées. D’abord, une politique de prix et de fiscalité : suppression ou baisse ciblée des taxes annexes, tarif postal “livre” national, soutien au papier et à l’impression locale, subventions transparentes aux achats des bibliothèques. Ensuite, une infrastructure de lecture : maillage de bibliothèques municipales et scolaires, bibliobus pour zones rurales, horaires élargis, animations régulières (clubs, rencontres d’auteurs, lectures publiques). Côté éducation, des “chèques-livre” pour élèves et étudiants, une liste annuelle d’ouvrages recommandés, et l’intégration d’ateliers de lecture-plaisir dès le primaire. Le numérique peut devenir allié : plateformes d’e-books à bas coût, accès gratuit aux classiques du domaine public, licences collectives pour universités, dispositifs de lecture hors ligne. Enfin, il faut soutenir la chaîne du livre : aides à la traduction, à la littérature jeunesse, à l’édition indépendante, fonds de mobilité pour auteurs, et politique d’achat public prévisible.
Il n’est pas trop tard. Partant du principe qu’un citoyen qui ne lit pas s’éloigne de l’épanouissement et de la formation continue, un plan d’action porté par le ministère de la Culture en partenariat avec l’Éducation, les collectivités et les professionnels peut inverser la tendance. L’objectif est clair : faire du livre un bien de première nécessité culturelle, retrouver le goût de lire, et rendre la lecture visible… partout.
Par Mounir Ghazali