Ce qui s’annonçait comme une mobilisation pacifique pour une meilleure santé publique et une école de qualité a basculé, dans plusieurs villes, en scènes de violence. Initiées par le collectif de jeunes « GenZ 212 », les manifestations du week-end se sont déroulées sans heurts, avant qu’une escalade ne gagne, les deux nuits suivantes, différentes localités : affrontements avec les forces de l’ordre, incendies criminels, pillages et saccages de biens publics et privés.
Un drame a marqué la province d’Inezgane–Aït Melloul : trois personnes ont perdu la vie après que des gendarmes à Leqliaa ont fait usage de leurs armes pour repousser une attaque contre leur quartier général. Au total, des dégradations ont été constatées dans 23 provinces et préfectures, visant des bâtiments administratifs, sanitaires, sécuritaires et municipaux, ainsi que des banques et commerces.
Un dialogue manqué, un terrain laissé aux dérapages
Interrogé sur les ressorts de cette bascule, un psychosociologue marocain pointe d’abord la temporalité de la réponse publique. Les revendications initiales — santé et éducation — « étaient claires », souligne-t-il ; mais l’impression d’être ignoré a nourri la frustration d’une partie des manifestants. L’absence d’un dispositif d’écoute et de médiation, au moment crucial, a laissé le champ libre à des acteurs opportunistes capables de détourner l’expression sociale vers la casse.
Cette dérive s’inscrit, ajoute-t-il, dans une dynamique bien connue de « psychologie des foules » : une étincelle suffit à faire déborder l’émotion collective. À l’image de certaines sorties de stades qui dégénèrent, un incident peut enclencher une spirale de violences — ce que de nombreuses vidéos ont montré dans plusieurs villes du royaume.
Mineurs en première ligne : un signal d’alarme
La présence massive de mineurs, parfois majoritaires dans certains groupes selon des éléments communiqués par l’Intérieur, est jugée « particulièrement préoccupante ». Jeunes, impulsifs et très exposés aux contenus non régulés sur les réseaux sociaux, ces adolescents se révèlent d’autant plus vulnérables que structures d’encadrement, maisons de jeunes et associations locales peinent à jouer leur rôle d’amortisseur.
Pour l’expert, la responsabilité est partagée : si la non-réponse ou la réponse tardive aux revendications alimente la colère, ceux qui pillent, volent ou vandalisent « répondent pleinement de leurs actes ». D’où la nécessité, insiste-t-il, d’une double approche : rétablir l’ordre et, simultanément, rouvrir des canaux de dialogue crédibles autour des priorités sociales.
Sortir de la crise : fermeté, écoute et prévention
Afin d’éviter l’engrenage « violence/contre-violence » et le risque d’insécurité durable, plusieurs leviers sont évoqués : mise en place de cellules de médiation locales, messages publics de réassurance, mobilisation d’équipes mixtes (élus, société civile, éducateurs, imams, travailleurs sociaux) et relance urgente des dispositifs de jeunesse. À court terme, la restauration du calme passe par la fermeté vis-à-vis des actes criminels ; à moyen terme, par des réponses tangibles sur la santé et l’éducation, moteurs initiaux de la mobilisation.
Le sursaut attendu est autant politique que social : pour que le mot d’ordre — mieux soigner et mieux instruire — ne se dilue pas dans les braises, il faudra retisser la confiance, accélérer les solutions concrètes et redonner un cadre d’expression pacifique à une jeunesse qui demande d’être entendue.
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