Des milliers de retraités français établis au Maghreb et en Turquie sont dans le viseur de l’Agirc-Arrco. Le régime de retraite complémentaire a lancé une vaste opération de contrôle destinée aux pensionnés résidant à l’étranger, afin de lutter contre les fraudes aux pensions versées à des personnes décédées ou via des usurpations d’identité. Objectif : vérifier 400.000 dossiers d’ici 2030 et assainir des fichiers jugés trop vulnérables.
Des convocations bancaires sous peine de suspension immédiate
La grande nouveauté de ce dispositif tient au canal choisi : ce ne sont plus seulement les caisses de retraite qui écrivent, mais les banques locales partenaires. En Algérie, où la campagne a commencé, 16 % des retraités seront convoqués chaque année au guichet, soit environ 60.000 personnes par an. Au total, l’ensemble des pensionnés algériens devra être contrôlé sur une période de six ans.
Le principe est simple et implacable : le retraité reçoit une convocation l’invitant à se présenter physiquement avec certificat de vie, pièce d’identité et acte de naissance original. S’il ne répond pas dans le délai imparti, la pension complémentaire est automatiquement suspendue, avec reprise éventuelle seulement après régularisation. Dans les expérimentations déjà menées, près de 40 % des retraités convoqués ne se sont pas présentés à temps, conduisant à une suspension de leurs versements ; à terme, environ un quart des pensions concernées ont été définitivement supprimées, faute de justificatifs.
Maroc, Tunisie, Turquie : une campagne appelée à s’étendre
Si l’Algérie constitue la zone prioritaire, le plan de contrôle s’étend aussi au Maroc, à la Tunisie et à la Turquie, pays identifiés comme sensibles par la Cour des comptes en raison de cas de certificats de vie falsifiés ou de décès non signalés. Le rapport de l’institution financière publique estime le coût de la fraude aux retraites versées à l’étranger entre 40 et 80 millions d’euros pour l’Algérie et autour de 12 millions pour le Maroc.
Selon ce même rapport, 8.000 convocations annuelles sont programmées dès 2024 pour les retraités installés au Maroc, tandis que des contrôles sur pièces et sur place sont prévus en Turquie et en Tunisie.
Entre lutte légitime contre la fraude et inquiétude des retraités
Pour justifier ce tour de vis, l’Agirc-Arrco s’appuie sur les alertes répétées de la Cour des comptes, qui chiffre à une soixantaine de millions d’euros par an le coût de la fraude aux pensions de retraite versées à l’étranger pour l’ensemble des régimes.
Mais sur le terrain, la méthode suscite incompréhension et anxiété chez de nombreux retraités, notamment au Maghreb. Certains disent avoir pris la convocation bancaire pour une tentative d’arnaque, tant la démarche est inhabituelle. D’autres redoutent les conséquences d’un contretemps administratif – déménagement, problème de courrier, maladie – qui pourrait provoquer une suspension brutale de leur unique source de revenus.
Pour limiter ces risques, l’organisme mise aussi sur le déploiement d’outils numériques : reconnaissance faciale, applications mobiles de certificat de vie, échanges de données renforcés entre caisses françaises et étrangères. Reste que ce vaste coup de filet illustre un tournant : la lutte contre la fraude est désormais assumée comme une priorité, quitte à placer des dizaines de milliers de retraités à l’étranger sous une pression administrative inédite.










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