Le Kenya franchit une nouvelle étape dans l’évolution de sa position sur la question du Sahara. La visite de l’ambassadrice du Kenya au Maroc, Mme Jessica Muthoni Gakinya, à Laâyoune, jeudi et vendredi, marque un geste politique lourd de symboles, dans un contexte de rapprochement économique et institutionnel croissant entre Rabat et Nairobi.
En poste à Rabat depuis mars 2024, Mme Gakinya est arrivée dans la capitale de la région Laâyoune-Sakia El Hamra à la tête d’une délégation composée d’investisseurs, de responsables bancaires et de représentants de l’agence kényane de promotion des investissements. Une mission résolument tournée vers l’exploration des opportunités économiques dans les provinces du Sud.
Une visite au cœur des grands chantiers marocains
Ce vendredi, l’ambassadrice kényane a été reçue par le wali de la région, Abdessalam Bikrate, qui a présenté à la délégation les principaux projets structurants déployés par le Maroc dans le cadre du nouveau modèle de développement des provinces du Sud : infrastructures portuaires, zones industrielles, énergies renouvelables, logistique et programmes sociaux.
Cette démarche intervient alors que les échanges maroco-kényans se sont intensifiés ces derniers mois. Jeudi 13 novembre, le premier président de la Cour de cassation et président délégué du CSPJ, Mohamed Abdennabaoui, s’est entretenu à Rabat avec Renson Ingonga, directeur des poursuites publiques du Kenya. Trois semaines plus tôt, le ministre marocain des Transports, Abdessamad Kayouh, avait accueilli à Rabat Hassan Ali Joho, ministre kényan des Mines, de l’Économie bleue et des Affaires maritimes.
Un signal diplomatique fort malgré les résistances internes
La visite de Mme Gakinya à Laâyoune est perçue comme un geste politique significatif, traduisant une reconnaissance implicite de la souveraineté économique du Maroc dans ses provinces du Sud.
Cette approche s’inscrit dans une tendance internationale affirmée. La France, puis l’Union européenne — en signant un accord agricole incluant les produits du Sahara et en engageant des négociations pour un protocole de pêche actualisé — ont progressivement adopté une position convergente avec celle exprimée par les États-Unis en 2020, puis réaffirmée par le président Donald Trump dans sa lettre adressée le 30 juillet 2024 au roi Mohammed VI.
Cependant, au Kenya, ce rapprochement avec Rabat ne fait pas l’unanimité. Des personnalités influentes, telles que Moses Wetangula, président de la Chambre des représentants et chef du parti FORD Kenya, continuent d’afficher ouvertement leur soutien au Polisario et à l’Algérie. Membre clé de la coalition Kenya Kwanza ayant porté William Ruto à la présidence, Wetangula avait reçu le représentant du Polisario à Nairobi quelques semaines seulement après la reconnaissance officielle du plan d’autonomie marocain par le gouvernement kényan.
En janvier 2023 déjà, après une rencontre à Dakar entre Aziz Akhannouch et le président Ruto, Wetangula se rendait à Alger où il fut reçu par le président Abdelmadjid Tebboune, réitérant son alignement sur les positions algériennes.
Une dynamique qui dépasse les clivages politiques
Malgré ces tensions internes, la visite de l’ambassadrice Gakinya témoigne d’un réajustement diplomatique profond du Kenya. Elle traduit une volonté claire de renforcer les partenariats économiques avec le Royaume, tout en marquant, de façon subtile mais tangible, l’évolution d’une position politique longtemps influencée par les réseaux pro-Polisario en Afrique de l’Est.
Le geste de Nairobi, même partiellement officieux, représente une nouvelle avancée diplomatique pour le Maroc dans la consolidation de la reconnaissance de son intégrité territoriale sur le continent.
.
Contactez Nous