Recommandé par un ami réalisateur à la chaîne française TF1 pour lui servir de conseiller sur un projet au Maroc, j’ai eu le privilège de rencontrer, pour la première fois au début des années 2000, Thierry Ardisson, dans un palace de Casablanca. Il y était venu pour prendre le pouls du paysage audiovisuel marocain, avant de partir passer quelques jours à Marrakech avec sa femme, qui l’accompagnait dans une complicité joyeuse. Le couple formait un duo soudé, amateur de vannes et de plaisanteries.
La première impression, avant un entretien qui allait être le prélude à une longue amitié, fut celle d’un homme d’une extrême décontraction, bien qu’habillé tout en noir, dans un style streetwear. Je saurai plus tard que cette couleur, à laquelle il restait fidèle en toute circonstance, était destinée à affiner sa silhouette. Un choix vestimentaire plus esthétique que réel, car son embonpoint commençait déjà à s’imposer. Mais cela ne l’ennuyait nullement : Thierry était un bon vivant assumé, sans la moindre vanité.
À cette décontraction s’ajoutait une bonne humeur contagieuse, jusqu’à rire aux éclats pour un rien. Même dans les discussions sérieuses autour de ses projets, cette légèreté ne le quittait jamais. Finalement, il renoncera à s’implanter au Maroc : chasseur d’opportunités aguerri, il avait bien perçu, comme je le lui avais exposé, l’étroitesse du marché publicitaire local. Il préféra se recentrer sur Paris et sa société de production.
Je garderai de nos échanges le souvenir ineffaçable d’un homme intarissable, généreux, élégant, doté d’une vaste culture professionnelle. Il mêlait avec finesse l’esprit d’un publicitaire à l’éloquence d’un harangueur bienveillant. Ses phrases, ciselées avec soin, étaient serties de bons mots et de formules brillantes.
Même après toutes ces années, il ne cessa jamais de faire des sauts au Maroc, nourrissant toujours l’espoir d’y ouvrir un bureau et de collaborer avec la deuxième chaîne. Il me confiait souvent, non sans une pointe d’ironie, que certains contenus locaux lui paraissaient « soporifiques et aliénants », et que la télévision marocaine devait être « dépoussiérée avant de sombrer un jour ». Sa prophétie, malheureusement, s’est réalisée.
Rien que pour cela, je lui resterai éternellement reconnaissant. Je ne l’oublierai jamais.
Adieu Thierry, et repose en paix en te marrant. Avec ton départ, la télévision ne sera plus jamais la même.