Les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) constituent l’épine dorsale de l’économie marocaine : elles représentent 99,6 % du tissu productif, emploient des centaines de milliers de personnes et portent, à travers une génération de dirigeants souvent jeunes, l’élan entrepreneurial du pays. Au cœur de la nouvelle Charte de l’investissement, elles sont appelées à jouer un rôle central dans la mobilisation de 550 milliards de dirhams d’investissements et la création de 500.000 emplois d’ici 2026.
Mais un paradoxe persiste : les mécanismes publics censés les soutenir se transforment trop souvent en contraintes. Le nouveau dispositif d’appui aux TPME illustre ce décalage. Pensé pour encourager l’investissement, l’emploi formel et la montée en gamme, il impose des procédures lourdes, lentes et complexes, alors même que les TPME traversent la fameuse « vallée de la mort » où trésorerie, délais bancaires et visibilité à court terme peuvent faire basculer un projet. Là où l’entreprise vit au rythme de l’urgence, l’administration fonctionne au rythme du formalisme.
Pourtant, le Maroc dispose aujourd’hui des outils de sa propre révolution administrative : interconnexion DGI–CNSS–BAM–OMPIC, plateformes numériques, bases de données partagées. Il est désormais possible de basculer vers un modèle « fast-track ex ante, contrôle ex-post » : feu vert rapide fondé sur un scoring automatisé, puis vérification renforcée après réalisation de l’investissement. De même, le plafond de 200 millions de dirhams de chiffre d’affaires exclut des entreprises intermédiaires capables d’industrialiser, d’exporter et d’innover, alors qu’un ciblage par projet – filiale, nouvelle ligne, spin-off – serait plus efficace.
L’enjeu est d’entrer dans une logique d’agilité et d’évaluation continue : révision semestrielle du dispositif, écoute des entreprises bénéficiaires et recalibrage des critères. Un accompagnement financé par l’État, assuré par des fiduciaires ou experts comptables durant les deux premières années, permettrait en outre de sécuriser les TPME sur les volets fiscal et administratif.
Au-delà d’un simple ajustement technique, il s’agit de refonder le contrat entre l’État et l’entrepreneur marocain : passer d’une culture de la procédure à une culture du résultat, afin que chaque dirham public investi renforce réellement le tissu productif et prépare la prochaine étape de développement du Maroc.
Le Maroc dispose aujourd’hui d’une occasion historique pour transformer en profondeur son modèle de soutien aux TPME, en alignant enfin la vitesse administrative sur la dynamique entrepreneuriale. Les outils numériques existent, la vision stratégique est claire et la volonté politique est affirmée. Ce qu’il manque désormais, c’est une exécution agile, évaluée et pilotée par l’impact réel sur le terrain. En simplifiant les procédures, en accompagnant mieux les entrepreneurs et en révisant régulièrement le dispositif, le Royaume peut faire des TPME un véritable levier de compétitivité nationale. Leur réussite n’est pas seulement économique : elle conditionne la prospérité future du pays.










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