Le secteur du traiteur, autrefois florissant et au cœur des grandes réceptions, peine toujours à se relever depuis la crise sanitaire du Covid-19. Malgré la réouverture de l’économie, ces professionnels ne retrouvent pas leur rythme d’antan, accablés par une inflation galopante et un changement profond des habitudes de consommation.
Un secteur à genoux après 18 mois d’arrêt
Pendant 18 mois, les traiteurs ont été contraints de suspendre leurs activités en raison des restrictions sanitaires. Ce long arrêt a eu des conséquences désastreuses : perte de clientèle, dettes accumulées, équipements inutilisés et employés contraints de changer de métier.
Mais au-delà de ces pertes immédiates, les habitudes des clients ont changé. Les grandes réceptions d’avant, où 300 invités étaient la norme pour un mariage, se sont réduites à des événements plus intimes, parfois limités à une centaine de convives. Quant aux entreprises et administrations, elles ont drastiquement diminué leurs commandes, cherchant à optimiser leurs budgets ou adoptant des alternatives low-cost.
Des coûts en hausse, des marges en péril
Alors que la clientèle se raréfie, les coûts de production explosent. L’huile, le beurre, les fruits et légumes, la viande, le chocolat, la crème : toutes ces matières premières indispensables à l’activité d’un traiteur ont vu leurs prix grimper de façon vertigineuse.
Face à cette flambée des coûts, les traiteurs n’ont d’autre choix que d’augmenter leurs tarifs, ce qui, en retour, dissuade encore davantage les clients. Un cercle vicieux s’installe, menaçant la viabilité de nombreuses entreprises.
Des marchés publics biaisés au détriment des traiteurs
Une autre menace pèse sur ces professionnels : l’attribution des marchés publics. De nombreuses administrations et entreprises publiques ont adopté une nouvelle plateforme pour choisir leurs prestataires, mais ce système souffre de dérives majeures.
Plutôt que de faire appel directement aux traiteurs professionnels, ce sont souvent des sociétés de négoce ou de communication qui remportent ces appels d’offres. Ces sociétés, sans expertise culinaire, n’assurent pas elles-mêmes la prestation mais sous-traitent à des traiteurs à des prix dérisoires, maximisant ainsi leurs propres profits au détriment de la qualité et du savoir-faire du métier.
Ce détournement du marché met en péril l’éthique du secteur, laissant de nombreux traiteurs sur la touche.
Ramadan : l’injustice de la concurrence déloyale
La période du Ramadan, qui autrefois était un mois faste pour les traiteurs, est aujourd’hui un cauchemar. En cause ? L’explosion de la vente à domicile et via les réseaux sociaux.
Les clients se tournent de plus en plus vers des particuliers non déclarés, qui cuisinent et vendent leurs plats et gâteaux sans respect des normes sanitaires et sans aucune obligation fiscale. Ces vendeurs de l’ombre, qui ne paient ni impôts ni charges sociales, peuvent ainsi proposer des tarifs défiant toute concurrence, reléguant les traiteurs dans une impasse économique.
Un cri d’alerte ignoré
Face à cette crise, la Fédération des traiteurs a multiplié les appels à l’aide auprès des autorités. Mais la réponse est toujours la même : impuissance et absence de moyens d’action. En effet, ces vendeurs clandestins, qui cuisinent chez eux sans aucun contrôle sanitaire ni déclaration fiscale, échappent totalement aux autorités. La loi interdit aux agents de l’administration d’accéder à un domicile privé sans une procédure judiciaire, rendant impossible toute vérification ou sanction. Ainsi, les traiteurs professionnels se retrouvent pénalisés et réglementés, tandis que ces intrus prospèrent en toute impunité, hors de tout cadre légal. Une situation intolérable qui met en péril la profession.
Qui viendra en aide aux traiteurs professionnels face à ces injustices ? Combien de temps encore ce métier, synonyme de tradition et de savoir-faire, pourra-t-il résister face à une inflation étouffante, une concurrence déloyale et des marchés publics biaisés ?
Le temps presse. Sans une prise de conscience des autorités et une réglementation plus stricte sur ces pratiques, ce sont des milliers d’emplois et un pan entier de l’économie qui risquent de disparaître.
Salma Semmar
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