La question mérite d’être posée : le Maroc organise-t-il trop de festivals, au point de diluer leur impact culturel et économique ? L’actualité récente, marquée par la décision du nouveau directeur du Centre Cinématographique Marocain (CCM) de débloquer près de 30 millions de dirhams pour les festivals du 7ᵉ art, relance le débat. Mis à part le prestigieux Festival International du Film de Marrakech, peut-on réellement parler d’une dépense utile ? Sans état des lieux précis, la mesure ressemble davantage à un chèque en blanc, alimentant rente, copinage et médiocrité.
Dans le domaine cinématographique, l’obligation de résultats est théorique. Les chiffres, eux, sont implacables : zéro impact notable pour la plupart des manifestations, y compris le festival de Tanger. Côté musique, seuls quelques événements parviennent à tirer leur épingle du jeu : Mawazine à Rabat, Timitar à Agadir, Gnaouas à Essaouira, Jazz à Casablanca et Tanger. Le Festival des Musiques Sacrées de Fès, autrefois référence mondiale, a perdu de son éclat lors de ses dernières éditions.
La majorité des autres rendez-vous culturels restent dépendants de l’argent public, avec peu d’efforts en matière de créativité et de professionnalisation. Leurs organisateurs, repliés sur eux-mêmes, peinent à attirer un public renouvelé et se contentent d’une visibilité quasi inexistante, se manifestant uniquement à l’approche de la saison culturelle.
L’exemple le plus parlant reste celui du plus ancien festival du pays, celui des arts populaires de Marrakech. Depuis des années, il se contente de reproduire, édition après édition, la même formule usée, tout en sollicitant sans relâche le soutien du ministère de la Culture, rarement refusé et presque jamais conditionné à des résultats mesurables.
Au-delà des subventions, une question cruciale se pose : quels bénéfices concrets ces festivals apportent-ils aux territoires ? Retombées touristiques, emplois temporaires, dynamisation de l’artisanat et du commerce : ces données sont rarement étudiées, empêchant toute comparaison objective.
Plus inquiétant encore, aucun mécanisme transparent d’évaluation ou de contrôle des financements publics n’est réellement appliqué. Sans audits réguliers ni indicateurs de performance, difficile de distinguer les manifestations utiles de celles qui ne sont que des vitrines creuses.
Au final, il est difficile de dresser un inventaire précis : combien de festivals le Maroc organise-t-il ? Qui les pilote ? Avec quels budgets et pour quels résultats ? Les réponses à ces questions pourraient bien surprendre et mettre en lumière une politique culturelle qui, à force de se disperser, risque de perdre sa raison d’être.
Par Salma Semmar