Depuis l’adoption du décret 54 le 13 septembre 2022 par le président tunisien Kais Saied, une vague de poursuites judiciaires a été déclenchée contre journalistes, avocats et figures de l’opposition, critiquée pour étouffer la liberté d’expression en Tunisie. Ce décret punit toute personne utilisant les réseaux pour « rédiger, produire, diffuser de fausses nouvelles » dans le but de nuire à l’ordre public, avec des peines allant jusqu’à cinq ans de prison. Selon Zied Dabbar, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), plus de 60 personnes ont été poursuivies sous ce régime.
Les critiques, dont le chroniqueur radio Haythem Mekki, voient dans ce décret une tentative de réprimer toute critique contre le pouvoir. Mekki, lui-même cible d’une enquête pour ses commentaires sur l’état d’une morgue à Sfax, affirme que cette loi a réussi à instaurer une « chape de plomb » sur les médias, réduisant les espaces de satire et critique qui étaient florissants post-révolution de 2011. Cette révolution avait vu la chute du dictateur Zine El Abidine Ben Ali et était célébrée comme un triomphe de la liberté d’expression.
L’ONG Human Rights Watch et d’autres observateurs internationaux ont également dénoncé l’usage de ce décret pour réprimer les dissidents. Le climat actuel est décrit comme incitant à une peur généralisée parmi les professionnels des médias, conduisant à une censure et autocensure importantes. Hamza Belloumi, animateur de télévision, témoigne de la réticence croissante des gens à participer à des émissions investigatives, ce qui a conduit à une réduction des reportages sur des sujets sensibles.
En réponse, 40 députés ont demandé la révision de ce décret, mais leurs efforts sont bloqués par le président de la Chambre, selon Dabbar. Ayachi Hammami, avocat et militant politique, exprime une urgence de réviser ce texte législatif, surtout à l’approche des élections présidentielles, pour garantir une atmosphère libre et juste pour le débat public.