Ceuta vit au rythme d’un drame silencieux. À la faveur de la nuit, parfois sous une mer mauvaise, des candidats à l’exil tentent de contourner la frontière terrestre, verrouillée, pour gagner l’enclave espagnole par l’eau. Le phénomène, récent dans son intensification, donne déjà des bilans alarmants : des noyades à répétition, souvent passées sous les radars du débat public marocain.
Privés de voie terrestre, de très jeunes exilés, parfois mineurs, se jettent à l’eau avec l’espoir d’atteindre la rive « européenne » la plus proche. Les traversées s’improvisent, de nuit, sans équipements adaptés, dans des courants traîtres. Parmi les récits qui circulent, celui d’une jeune mère retrouvée noyée, son bébé contre elle, symbolise l’ampleur d’une détresse prête à braver l’impossible.
Côté espagnol, la presse locale rapporte quasi quotidiennement ces drames. Côté marocain, l’écho demeure faible alors que des familles, du nord au sud du pays, restent sans nouvelles des leurs pendant des mois, parfois à jamais. Dans l’intervalle, des disparitions s’accumulent, sans identification ni cérémonie, et les « damnés de la mer » s’ajoutent à la longue liste des absents.
Après le resserrement de la frontière terrestre et la coopération maroco-espagnole encouragée par l’UE, le flux s’est déplacé vers la mer. Or, sur ce front, les témoignages évoquent peu de renforcement visible du contrôle côté espagnol et des moyens de sauvetage inégaux selon les jours et la météo. Résultat : une zone grise où prospèrent les passages au risque maximal, avec une mortalité évitable.
L’urgence d’une réponse binationale
Face à cette réalité, ONG et acteurs de terrain plaident pour :
-
des patrouilles maritimes coordonnées et préventives, avec des moyens de repérage nocturne ;
-
des protocoles de sauvetage et d’alerte harmonisés entre les deux rives ;
-
des campagnes d’information dans les quartiers et villes d’origine sur les risques réels de la traversée ;
-
des voies légales et sûres (mobilité étudiante, saisonnière, familiale) pour desserrer l’étau qui pousse vers la mer ;
-
un dispositif d’identification et d’accompagnement des familles en cas de disparition.
Ceuta rappelle que l’exil ne s’arrête pas aux grillages : il se déplace, se réinvente et prend la mer quand la terre se ferme. Tant que la réponse restera fragmentée, la Méditerranée continuera de baptiser les illusions au prix de vies fauchées. Il appartient aux autorités des deux pays d’ériger la prévention et le sauvetage en priorités absolues, au-delà des cycles politiques et des saisons migratoires.










Contactez Nous