C’est un séisme silencieux qui frappe actuellement le secteur des transferts d’argent au Maroc. Le directeur général d’une société financière agréée par Bank Al-Maghrib a mystérieusement pris la fuite, laissant derrière lui un réseau de plus de 60 agences réparties à travers le Royaume dans une impasse totale. Ces structures, aujourd’hui paralysées, font face à une asphyxie financière brutale, après une année entière de gel injustifié de leurs fonds par la société mère.
Derrière ce scandale, ce sont des dizaines d’entrepreneurs et d’investisseurs, qui ont misé sur ce modèle économique présenté comme sûr, qui voient aujourd’hui leurs projets et économies réduits à néant. Les premières estimations font état de pertes dépassant les 30 millions de dirhams, sans compter les dommages collatéraux sociaux : plusieurs centaines de familles privées de revenus, des situations psychologiques alarmantes et un sentiment d’injustice profond.
Face à ce chaos, plus de 40 gérants d’agences ont déposé plainte devant les tribunaux de Casablanca, dénonçant des faits graves : escroquerie, abus de confiance, violation de contrats et manipulation délibérée à des fins d’extorsion.
Les protestations ne se limitent pas aux salles d’audience. Des rassemblements ont eu lieu devant le siège de l’entreprise à Casablanca et même devant le Parlement, où les victimes interpellent l’opinion publique et les autorités pour exiger un audit transparent et des mesures urgentes.
Ce drame expose au grand jour les failles structurelles dans la supervision des sociétés de transfert agréées, remettant en question l’efficacité des outils de contrôle de Bank Al-Maghrib. Car malgré leur agrément, ces sociétés semblent échapper à une régulation rigoureuse, laissant place à des dérives aux conséquences dévastatrices.
Plus qu’un simple scandale isolé, ce dossier sonne comme un avertissement sévère aux régulateurs. Il met en lumière l’urgence de renforcer les mécanismes de contrôle et de protection dans un secteur financier qui reste vulnérable malgré les agréments officiels.
Cette crise n’est pas sans rappeler l’affaire retentissante de l’enseigne Hanouti, où des milliers d’investisseurs marocains, séduits par un modèle de franchise présenté comme novateur, se sont retrouvés du jour au lendemain en liquidation forcée de leur investissement, sans recours crédible ni garantie de compensation. Là aussi, l’absence d’un encadrement rigoureux et la complaisance réglementaire ont permis l’effondrement d’un système qui paraissait fiable sur le papier.
Aujourd’hui, ces dérives répétées doivent conduire les pouvoirs publics à réviser en profondeur le cadre législatif encadrant les sociétés financières et commerciales intermédiaires, en instaurant des garde-fous solides et des obligations de transparence renforcées, afin de garantir que plus aucun investisseur ou citoyen ne soit laissé pour compte dans ce qui devrait être un espace économique de confiance et de stabilité.
Salma Semmar