C’est une décision sans précédent dans les relations franco-algériennes depuis plusieurs années. Samedi 17 mai 2025, la France a instauré l’obligation de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service algériens souhaitant entrer sur son territoire. Cette mesure, annoncée dans une note de service interne, marque une nouvelle escalade dans la crise diplomatique larvée entre Paris et Alger.
Selon les termes précis du message émanant de l’état-major de la direction générale de la police nationale (DGPN), « le ressortissant algérien, titulaire de passeport diplomatique ou de service qui ne détient pas de visa lors de la présentation en entrée aux PPF (points de passages frontaliers) fera l’objet d’une procédure de non-admission / refoulement ». La mesure est entrée en vigueur immédiatement, et tous les services aux frontières extérieures ont été sommés d’en assurer une application stricte.
Cette décision donne suite à l’annonce faite par le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, quelques jours plus tôt, en réponse à l’expulsion par Alger de quinze fonctionnaires français en mission temporaire. Cette mesure algérienne avait été jugée « injustifiée et injustifiable » par Paris. En réaction, la France a donc décidé de suspendre l’accord bilatéral signé en 2007, qui permettait aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens de circuler sans visa sur le territoire français.
Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, avait appelé à une « riposte graduée » et à « une réciprocité stricte ». Il semblerait que le gouvernement français ait pris cette ligne au mot, en appliquant désormais le principe du “pas de visa, pas d’entrée”, même pour les représentants officiels du régime algérien.
Une relation empreinte de méfiance et de rancœurs historiques
Depuis plusieurs années, les relations entre la France et l’Algérie oscillent entre coopération pragmatique et tensions explosives. Les sujets de discorde sont multiples : mémoire coloniale, contrôle migratoire, coopération sécuritaire, et plus récemment, ingérences diplomatiques mutuelles. La méfiance est devenue systémique.
La décision d’imposer un visa aux diplomates algériens est symbolique : elle remet en question le statut particulier que l’Algérie avait toujours occupé dans la diplomatie française, héritage d’un passé colonial jamais réellement apaisé. Cette crise trouve son origine dans une succession de gestes perçus comme hostiles de part et d’autre. En France, on dénonce un double langage algérien, entre rhétorique anti-française sur la scène internationale et demandes incessantes de facilités bilatérales. À Alger, on fustige ce que l’on considère comme un paternalisme français persistant.
En toile de fond, une réalité politique : les deux pays cherchent chacun à affirmer leur souveraineté et leur indépendance diplomatique dans un contexte géopolitique mouvant. Mais au lieu de se rapprocher pour faire face à des défis communs – terrorisme, immigration, crise énergétique – ils semblent s’enfermer dans une spirale de représailles et d’irritation nationale.
Ce nouvel épisode montre que le dialogue est au point mort, et que l’émotion a pris le pas sur la diplomatie. Reste à savoir si cette crise est passagère… ou si elle annonce un tournant durable dans la relation franco-algérienne.