Une polémique enfle autour d’une note interne de la police française, signée par Philippe Jos, directeur interdépartemental de la police nationale (DIPN), et datée du 20 novembre 2024. Cette circulaire, visant à établir une nouvelle procédure de signalement des délits commis par des étrangers en situation régulière, fait désormais l’objet d’un recours en justice déposé devant le tribunal administratif de Nantes par le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l’Homme.
Au cœur du contentieux : une mesure jugée attentatoire aux droits fondamentaux. La procédure prévoit que les services interpellateurs remplissent des « fiches navettes » recensant les infractions commises par des ressortissants étrangers titulaires d’un titre de séjour, avant de les transmettre à la Direction des migrations et de l’intégration (DMI) de la préfecture de Loire-Atlantique. Cette dernière se réserve alors le droit de dégrader, suspendre ou annuler ledit titre.
Au 26 février dernier, 35 fiches avaient déjà été transmises, dont 5 susceptibles d’aboutir à un retrait de titre de séjour. Une situation que les requérants qualifient de « dérive administrative », dénonçant une confusion entre police judiciaire et administrative, ainsi qu’une atteinte grave à la confidentialité des enquêtes en cours.
L’avocat Maxime Gouache fustige l’absence de base légale pour une telle mesure. Il estime que le DIPN a outrepassé ses compétences, confiant à des agents judiciaires le soin de partager des informations sensibles avec des fonctionnaires préfectoraux. En ligne de mire : le traitement des antécédents judiciaires (TAJ), auquel les policiers peuvent désormais puiser pour alimenter ces fameuses fiches.
Les syndicats soulignent le danger de cette pratique : instrumentalisation des procédures non achevées, précarisation des étrangers en règle, et possible entrave à des démarches de régularisation. Ils rappellent également que la CNIL, garante de la protection des données personnelles, n’a pas été consultée.
Dans un climat politique déjà tendu sur les questions migratoires, cette affaire relance le débat sur l’équilibre entre sécurité publique et respect des droits fondamentaux.
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