La réforme des retraites au Maroc est un sujet brûlant qui suscite de vives réactions. Face au vieillissement de la population et à la dégradation des finances publiques, le gouvernement est contraint de repenser en profondeur un système de retraite qui montre ses limites. Les enjeux sont multiples : assurer la pérennité des caisses, garantir l’équité entre les générations et préserver le pouvoir d’achat des retraités. Mais les réformes envisagées soulèvent de nombreuses questions et interrogations, notamment sur l’âge légal de départ à la retraite, le niveau des cotisations et les droits acquis.
La réforme des retraites, longtemps repoussée, revient au cœur des débats politiques. Face à la dégradation progressive des finances des Caisses de retraites, le gouvernement doit agir rapidement pour éviter une crise imminente. Mais cette réforme, incontournable, s’annonce complexe et lourde de conséquences pour toutes les parties prenantes.
Un système à bout de souffle
Le diagnostic est clair : toutes les Caisses de retraites sont menacées de faillite à des degrés divers. La Caisse Marocaine des Retraites (CMR), en particulier, pourrait épuiser ses réserves dès 2028, enregistrant un déficit annuel de 8 milliards de dirhams. La Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), quant à elle, bénéficie d’une durée de vie plus longue jusqu’en 2038, mais reste vulnérable malgré un excédent récent de 3,7 milliards de dirhams. À l’inverse, le Régime Collectif d’Allocation de Retraite (RCAR) apparaît mieux armé avec des réserves suffisantes pour tenir jusqu’en 2052.
Des mesures nécessaires, mais impopulaires
Le gouvernement envisage une réforme systémique reposant sur plusieurs axes : l’unification des régimes public et privé, la mise en place d’un régime complémentaire obligatoire, et le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. Une solution justifiée par l’augmentation de l’espérance de vie, mais critiquée par les syndicats. Ces derniers dénoncent une surcharge sur les salariés et réclament des critères d’exception pour les métiers pénibles.
Par ailleurs, l’harmonisation des pensions entre le secteur public et privé est un enjeu central. Actuellement, les écarts sont flagrants, avec une pension moyenne de 2 168 dirhams dans le privé contre 9 900 dirhams pour les fonctionnaires. Le régime complémentaire est présenté comme une piste pour pallier ces inégalités, mais il suppose des cotisations supplémentaires, souvent mal perçues.
Un dialogue social sous tension
Les discussions avec les centrales syndicales s’annoncent houleuses. Depuis l’accord social d’avril 2024, les négociations piétinent, les syndicats restant majoritairement hostiles aux sacrifices demandés. L’enjeu est de taille : il s’agit non seulement de sauver les régimes de retraite, mais aussi de maintenir une cohésion sociale fragile.
Un défi financier et politique
En plus du relèvement de l’âge, la réforme pourrait inclure une hausse des cotisations patronales et salariales. Si les entreprises et les salariés du privé risquent de voir leur charge augmenter, les fonctionnaires du public semblent protégés par la garantie d’un salaire net inchangé. Cette disparité alimente les tensions et rend les arbitrages encore plus délicats.
Pour le gouvernement, le défi est de trouver un équilibre entre viabilité financière et acceptabilité sociale. La ministre de l’Économie a promis un premier exposé détaillé en janvier, mais le chemin vers une adoption définitive reste semé d’embûches.
Par Salma Semmar