Ce qui devait être une simple réunion d’organisation interne s’est transformé en démonstration publique des tensions qui minent l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) à Nador. Le congrès provincial, tenu récemment sous l’œil vigilant du premier secrétaire du parti, a donné lieu à une scène politique tendue, révélant un conflit sous-jacent entre deux figures majeures de la région : le président de la commune de Nador et un vétéran du parti, député influent et pilier historique du Rif.
À deux doigts d’un affrontement physique, les échanges ont frôlé l’irréparable. S’il y a eu, en apparence, une issue de compromis avec la reconduction du député comme secrétaire provincial et l’octroi au maire du même titre – dans une sorte de duplicité institutionnelle à peine masquée – la tension restait palpable. Devant les caméras, les sourires étaient forcés, les accolades protocolaires, et les poignées de main plus froides que fraternelles. Derrière la façade, chacun garde la main sur la garde de son couteau politique.
Au cœur du malaise : l’ambition. Le maire, jeune et déterminé, rêve déjà de 2026 et d’une ascension parlementaire. Il ambitionne de remodeler le parti localement, à son image. En face, le vieux routier politique préfère la stratégie de l’ombre, les équilibres internes et les jeux d’influence qu’il maîtrise depuis des décennies. Il n’a pas besoin de discours enflammés : son réseau parle pour lui.
Ce choc d’ambitions illustre plus qu’un différend personnel. Il symbolise un dilemme plus profond qui traverse aujourd’hui la gauche marocaine : le face-à-face entre ceux qui incarnent l’héritage militant, et ceux qui veulent arrimer l’USFP à la nouvelle donne territoriale et électorale. Nador n’a été qu’un théâtre local d’un affrontement beaucoup plus global.
Tentant de recoller les morceaux, le premier secrétaire a distribué les compliments : hommage à la gestion municipale du maire, reconnaissance publique envers le député, et en prime, confirmation de sa candidature aux prochaines élections législatives. Une manœuvre habile, mais révélatrice : le parti tient à rappeler qu’il reste le seul maître du jeu.
Pourtant, la fracture demeure. Politique, bien sûr, mais aussi humaine et générationnelle. Et si le parti de la rose veut réellement se réinventer et continuer à exister dans un paysage politique en mutation, il devra trancher bien plus qu’un simple désaccord de personnes. Il lui faudra choisir une ligne, un cap clair, et surtout, un vrai courage politique.