À l’approche de l’Aïd al-Adha, un phénomène révélateur prend de l’ampleur : de plus en plus de Marocains tournent le dos aux palaces de Marrakech pour s’envoler vers les plages espagnoles de la Costa del Sol. La raison ? Une envolée incontrôlée des prix dans l’hôtellerie de luxe marocaine, au point que les hôtels 5 étoiles à Marrakech coûtent aujourd’hui deux fois plus cher que leurs homologues espagnols.
Dans un contexte économique encore fragile, la classe moyenne marocaine se retrouve étranglée par des offres locales devenues inaccessibles, tandis qu’en Espagne, la qualité est au rendez-vous pour un coût bien plus raisonnable. À prestation équivalente, un séjour à Malaga ou Torremolinos revient presque moitié prix comparé à Marrakech, y compris en haute saison.
Et ce n’est pas seulement l’hébergement qui fait pencher la balance. La restauration espagnole est également bien plus abordable, que ce soit dans les petits restaurants familiaux ou les établissements de bord de mer. En comparaison, au Maroc, certains professionnels du secteur semblent vouloir rattraper trois saisons en une, affichant des prix exorbitants même pour les plats les plus basiques. Un dérèglement tarifaire qui donne l’image d’un tourisme interne devenu prédateur.
Cette année, le contexte est particulier : Sa Majesté le Roi Mohammed VI a pris la décision hautement symbolique de sacrifier le mouton au nom de tous les Marocains, allégeant considérablement la pression financière sur les ménages. Sans l’achat du mouton, beaucoup choisissent d’offrir à leur famille un moment de détente ailleurs — et l’Espagne devient l’évidence.
Face à cette fuite du pouvoir d’achat vers l’étranger, les opérateurs touristiques marocains sont interpellés : continuer à ignorer la clientèle locale pourrait coûter cher à long terme, tant en image qu’en chiffres d’affaires. Le tourisme intérieur, tant vanté dans les discours, semble aujourd’hui victime de sa propre cupidité.
Par Abdelrhni Bensaid