Viande rouge au Maroc : une cherté qui résiste même à l’Aïd sans sacrifice

Le passage de l’Aïd al-Adha 2025 n’aura rien changé à la flambée des prix des viandes rouges au Maroc. Pire encore, même dans un contexte particulier où de nombreux Marocains n’ont pas sacrifié de mouton – par choix ou par contrainte – les prix n’ont pas enregistré la baisse espérée. Et ce, malgré des mesures gouvernementales censées réguler le marché, y compris l’interdiction stricte d’abattre les brebis pour préserver le cheptel national.

À Salé, Fès, Témara ou Casablanca, les prix s’affichent avec une stabilité cruelle : entre 115 et 140 dirhams le kilogramme selon le type de viande. Le gigot d’agneau se vend à 125 dirhams, la viande de veau ou de mouton entre 115 et 120 dirhams, tandis que la viande hachée ou maigre peut atteindre les 130 dirhams. Des prix difficilement soutenables pour une majorité de ménages déjà éprouvés par une année d’inflation continue.

Le paradoxe est d’autant plus saisissant que l’Aïd al-Adha, traditionnellement synonyme d’abondance de viande, n’a pas provoqué la baisse habituelle. Beaucoup de Marocains ont préféré s’abstenir de sacrifier cette année, face aux prix astronomiques des bêtes et aux restrictions imposées sur l’abattage des femelles. Une réalité qui a transformé cette fête religieuse en épisode frustrant pour des familles accoutumées à célébrer autour d’un méchoui familial.

Sur les marchés, les professionnels évoquent une demande modérée, très loin des pics saisonniers observés durant les périodes festives. Si certains traiteurs anticipent une remontée de la consommation à l’approche des mariages estivaux, les bouchers sont unanimes : les consommateurs ont appris à vivre avec la « cherté stable » de la viande rouge, au point de la reléguer à un aliment de luxe occasionnel.

L’importation massive de veaux d’Espagne ou du Brésil n’a pas suffi à inverser la tendance. En effet, la préférence des Marocains va encore très majoritairement à la viande locale, jugée de meilleure qualité, malgré son coût plus élevé. Quant au bœuf brésilien, il peine à convaincre les palais marocains, en raison d’une texture jugée « fade » et peu adaptée aux recettes traditionnelles.

Dans ce contexte tendu, les traiteurs sont parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme. Face à la flambée persistante des prix des viandes rouges, beaucoup d’entre eux continuent de travailler à perte, notamment en cette période de fêtes où la demande augmente mais où les marges sont presque inexistantes. Ne pouvant répercuter l’intégralité des hausses sur leurs clients, ils se retrouvent piégés entre la nécessité de maintenir leur activité et l’impossibilité de rentabiliser leurs prestations.

La situation appelle des réponses urgentes et concrètes. Plusieurs acteurs du secteur réclament aujourd’hui des mesures fortes : subventionner une partie de la chaîne d’approvisionnement, renforcer les contrôles sur les marges pratiquées par les intermédiaires et améliorer la régulation des importations. Autant de pistes qui pourraient redonner un souffle au marché.

Mais en l’absence d’actions rapides, la viande rouge continuera de symboliser un luxe inaccessible pour une partie croissante de la population. Le barbecue familial, jadis rituel convivial et partagé, devient le reflet d’une fracture sociale de plus en plus visible dans l’assiette des Marocains.

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