L’annonce récente du ministère de l’Agriculture faisant état d’un cheptel national de près de 33 millions de têtes n’a pas calmé la grogne des consommateurs. Au contraire, elle a ravivé les interrogations sur la persistance des prix élevés des viandes rouges, malgré une offre jugée abondante.
En effet, selon les données officielles, les effectifs d’ovins et de caprins ont progressé ces derniers mois, mais le marché n’a pas suivi la même tendance. Dans les boucheries, les prix demeurent stables et souvent prohibitifs : entre 80 et 120 dirhams le kilo selon les zones, parfois jusqu’à 75-100 dirhams pour l’agneau, ce qui reste largement au-dessus du pouvoir d’achat moyen des familles marocaines.
Les professionnels, à l’image de Hicham Jouabri, affirment que les prix n’augmenteront pas davantage et que l’offre reste suffisante, notamment grâce à l’importation de bovins brésiliens à moindre coût. Mais pour d’autres experts, comme l’ingénieur-conseil Abdelhak Bouchichi, ces prix reflètent davantage des distorsions du marché : spéculation de certains intermédiaires, absence de plafonnement des marges, et manque de contrôle dans la chaîne de commercialisation.
Le paradoxe est frappant : alors que le Maroc dispose de près de 33 millions de têtes de bétail, les prix de la viande rouge demeurent inaccessibles pour une grande partie de la population. Plusieurs facteurs expliquent cette situation :
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Absence d’un programme efficace de production d’aliments de bétail. Le pays reste dépendant de l’importation des fourrages, ce qui alourdit les coûts pour les éleveurs et se répercute sur les prix de vente.
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Décision tardive de rétablir les droits de douane et la TVA sur les importations d’ovins, de caprins et de lait en poudre. Si cette mesure vise à protéger les éleveurs, elle a surtout bénéficié aux importateurs sur le court terme sans effet concret sur les prix pour le consommateur.
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Des pratiques spéculatives de certains commerçants qui profitent de l’absence de plafonnement pour gonfler leurs marges.
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La fragilité du cheptel bovin, en recul de près de 30 %, affaibli notamment par la concurrence du lait en poudre importé qui pousse les petits éleveurs à se séparer de leurs vaches.
Sans un programme national ambitieux de production d’aliments locaux et une régulation stricte du marché, le consommateur marocain risque de continuer à payer cher une viande pourtant disponible en abondance.
Le constat est clair : les chiffres sont au vert, mais les prix restent au rouge.