En 2024, l’Union européenne a attribué 600 000 visas aux ressortissants marocains, dont près de la moitié par la France. Une statistique qui illustre une réalité persistante : malgré les restrictions et les difficultés administratives, les Marocains continuent de privilégier l’Europe pour leurs voyages.
Une préférence ancrée dans l’histoire
Ce tropisme s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, les liens historiques tissés depuis des décennies entre le Maroc et plusieurs pays européens. Ensuite, la proximité géographique, qui fait du Vieux Continent une destination naturelle et pratique. À cela s’ajoute la présence d’une importante communauté marocaine installée en Europe, qui attire chaque année familles et visiteurs. Enfin, les échanges économiques et culturels renforcent cette dynamique et contribuent à maintenir l’Europe comme première destination des voyageurs marocains.
Des restrictions sévères malgré la demande
Pourtant, les chiffres de délivrance de visas sont à relativiser. Le nombre de demandes a baissé ces dernières années, conséquence des restrictions imposées par les chancelleries européennes, de la hausse injustifiée des frais de dossiers et d’une politique de délivrance jugée trop sélective. La mise en place de prestataires privés pour la collecte des dossiers a par ailleurs donné lieu à de nombreux abus, trafics et arnaques, suscitant colère et frustration chez les demandeurs.
Un chemin de croix pour les voyageurs marocains
Pour les hommes d’affaires, les touristes ou les étudiants, obtenir un visa est devenu une véritable épreuve. Dépressions, stress et désillusions accompagnent souvent la procédure, transformant un simple projet de voyage en parcours du combattant. Cette politique restrictive contraste avec l’époque où l’Europe ouvrait grand ses portes aux travailleurs du Sud pour occuper les métiers pénibles et ingrats, notamment dans les mines ou le bâtiment.
Une dimension sociale, économique et politique
Au-delà des chiffres, la question des visas touche aussi à une dimension profondément humaine et sociale. Des milliers de familles marocaines restent contraintes de vivre séparées, dépendantes d’un document administratif pour maintenir leurs liens. Sur le plan économique, les restrictions pénalisent également le tourisme européen, qui perd chaque année des dizaines de milliers de visiteurs marocains potentiels, ainsi que les échanges commerciaux freinés par les refus abusifs opposés à des hommes d’affaires. Sur le plan géopolitique, le visa s’est transformé en instrument de pression diplomatique, utilisé par l’Europe dans sa relation avec ses voisins du Sud, sans réelle volonté de dialogue multilatéral. Les ONG et associations de la diaspora dénoncent par ailleurs une atteinte au droit fondamental de circulation, pointant du doigt les dérives et le manque de transparence des sociétés privées chargées de la collecte des dossiers. Face à ces écueils, certains plaident pour une solution de long terme : la mise en place d’outils modernisés tels que le visa électronique, mais surtout l’ouverture d’un véritable débat euro-méditerranéen sur la mobilité, encore soigneusement évité jusqu’ici.
Des décisions unilatérales contestées
Malgré l’importance de cette question pour des millions de demandeurs, l’Europe n’a jamais osé inscrire le dossier des visas à l’ordre du jour d’un sommet avec les pays d’origine. Les décisions sont prises dans la discrétion des cabinets présidentiels et ministériels, sans réelle concertation. Cette approche unilatérale nourrit le sentiment d’injustice et de discrimination chez les citoyens marocains, qui continuent pourtant, année après année, à tourner leurs regards vers l’Europe.
Par Mounir Ghazali
Je demande une visa depuis deux ans. Je ne l’est pas encore reçu ??????