Dans les quartiers marocains, les épiceries de proximité continuent d’être le cœur battant du commerce quotidien. Mais derrière leur façade conviviale se cache une réalité économique préoccupante : la prédominance des paiements en espèces, même pour des montants bien supérieurs au seuil légal des 5000 dirhams. Ce phénomène, largement répandu, interroge sur les pratiques fiscales et la transparence des transactions commerciales.
Ce sont bien souvent les représentants ou distributeurs de grandes industries agroalimentaires – producteurs de lait, d’eau minérale, de boissons gazeuses, ou encore de produits d’entretien et autres – qui exigent le paiement en cash. Une situation qui met les épiciers dans l’obligation d’honorer leurs factures en espèces, alimentant ainsi un circuit parallèle d’échanges non déclarés, échappant au contrôle de l’administration fiscale.
Le paradoxe est criant : d’un côté, le client qui fréquente ces commerces n’a pas la possibilité de régler par carte bancaire, contraint de recourir à l’argent liquide, même pour ses achats les plus courants ; de l’autre, les fournisseurs, parfois issus de grands groupes industriels bien établis, encouragent eux-mêmes une économie du cash, pour mieux contourner les déclarations de revenus.
Il est donc légitime de s’interroger sur la volonté réelle de certains acteurs économiques à respecter les règles du jeu fiscal. Car tant que les paiements électroniques resteront absents dans ces circuits, le Maroc continuera de perdre des milliards en recettes fiscales, et le poids de l’économie informelle s’en trouvera renforcé.
Il est temps que cela change.
Le maintien du tout-espèce dans les commerces de quartier, notamment chez les épiciers, ne peut plus être toléré comme une simple tradition pratique. Il constitue aujourd’hui l’un des maillons faibles de l’économie formelle marocaine, permettant à des flux financiers importants de circuler hors de tout contrôle, au détriment de l’État, mais aussi de l’équité économique.
Les points forts d’un basculement vers les paiements électroniques sont nombreux :
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Renforcement de la transparence fiscale : chaque transaction par carte ou par chèque laisse une trace, ce qui limite la fraude et les opérations en noir.
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Protection des commerçants : sortir du cash réduit les risques de vol et permet une meilleure gestion comptable.
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Intégration de l’économie informelle : cela permettrait à des milliers de petits commerçants de basculer progressivement vers un statut plus régulier, ouvrant droit à des avantages (financement, protection sociale, etc.).
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Modernisation de la consommation : offrir au client le choix du mode de paiement renforce la confiance et favorise l’inclusion financière.
Cependant, ce changement ne peut pas s’improviser. Il doit s’accompagner d’un cadre adapté et prendre en compte certains points faibles :
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L’absence d’équipements numériques chez de nombreux petits commerçants (TPE, terminaux de paiement).
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La méfiance culturelle vis-à-vis des paiements numériques, encore perçus comme complexes ou peu fiables.
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Le poids des grandes entreprises, parfois complices de ces dérives, qui doivent impérativement être tenues à des obligations plus strictes.
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Le besoin d’incitations fiscales ou logistiques, pour faciliter cette transition dans les quartiers populaires.
C’est donc un chantier national qu’il faut lancer, alliant volonté politique, innovation technologique, et justice économique. Le Maroc ne peut aspirer à une économie moderne tout en laissant des pans entiers de son commerce fonctionner comme à une autre époque.
Instaurer la carte et le chèque comme nouvelle norme de paiement, y compris chez l’épicier, est un impératif pour bâtir une économie plus saine, plus équitable, et plus résiliente.
Par Abdelrhni Bensaid
Le cash est l’ultime liberté et l’ennemi numero 1 d’une économie socialiste et étatiste….
L’épicier est le dernier maillon de la chaine, laissez-le tranquille et allez voir les pharmacies, les boutiques de prêt-à-porter, les cliniques dont certains médecins exigent une partie des paiements en noir, l’ONCF, la police, la gendarmerie et même l’administration fiscale n’est pas dotée des TPE!!!