L’art, dans toutes ses nuances, a le pouvoir d’établir des connexions, d’évoquer des émotions et de transformer les espaces. Au cœur de cet univers bouillonnant se trouve Ahmed Nouaiti, un artiste marocain dont la palette de talents embrasse l’histoire, la modernité et l’interaction avec le public. Avec Rabat pour toile de fond, Ahmed Nouaiti fusionne des éléments de pop vintage art et d’art urbain, créant un dialogue entre le passé illustre de la ville et son présent dynamique. Son engagement ne s’arrête pas à la toile : il établit des passerelles avec le public, que ce soit dans des restaurants ou sur les réseaux sociaux, offrant une proximité rare et précieuse. De plus, son investissement dans l’enseignement montre un désir profond de transmettre et d’inspirer. Avec des projets ambitieux en vue, Ahmed Nouaiti continue d’innover. Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec lui pour Actu-maroc.com, plongeant dans l’univers de cet artiste passionné et diversifié.
Monsieur Ahmed Nouaiti, votre parcours artistique est remarquable. Comment avez-vous découvert votre passion pour la peinture et comment cette passion vous a-t-elle conduit à enseigner le dessin ?
Depuis mon plus jeune âge, j’ai été plongé dans le monde captivant de l’art, un voyage qui a commencé à l’âge de 4 ou 5 ans, grâce à l’inspiration inestimable de mon père, un homme créatif et doué, dessinait pour nous distraire après nos cours, et c’est là que tout a commencé. Ses dessins magiques capturaient mon imagination, me transportant dans des mondes fantastiques. Plus important encore, il a rapidement remarqué que mes dessins, réalisés de mémoire, étaient étrangement justes. Le tournant décisif de ma vie artistique est survenu lorsque mon père m’a proposé de l’aider à réaliser des planches d’armement militaire destinées à l’instruction militaire au sein de la garde royale, dont il faisait fièrement partie. À ce moment-là, j’étais fou de joie, car cela signifiait que je pourrais contribuer à quelque chose de plus grand que moi grâce à mon talent naissant. À l’école primaire, mes enseignants ont rapidement remarqué mon don pour le dessin. Ils m’invitaient souvent au début de chaque séance à venir au tableau pour dessiner à la craie. Les cartes de géographie, les schémas du corps humain pour les cours de sciences naturelles, les illustrations des manuels d’arabe et de français… tout était prétexte à explorer mon talent artistique. C’était un honneur que je prenais à cœur, sachant que mes dessins contribuaient à l’apprentissage de mes camarades. Aujourd’hui, je me retrouve face à une nouvelle étape de ma vie artistique, celle de l’enseignement. Après tant d’années d’études et d’expériences artistiques, il me semble naturel de passer le relais. C’est un honneur et une responsabilité que j’accepte avec gratitude. Enseigner l’art, c’est non seulement transmettre des compétences techniques, mais aussi inspirer la créativité, encourager la pensée critique, et aider les étudiants à trouver leur propre voix artistique.
Votre livre qui retrace l’histoire du Maroc à travers vos dessins est très impressionnant. Quelle a été votre source d’inspiration pour représenter l’histoire du Maroc de cette façon unique ? Y a-t-il un dessin particulier qui a une signification spéciale pour vous ?
Les années 70 ont été une époque mémorable pour de nombreux enfants, notamment pour moi, où la bande dessinée (BD) occupait une place prépondérante dans l’épanouissement de notre imagination et l’apprentissage de la langue à travers des scénarios captivants. Pour moi, la BD était bien plus qu’une simple source de divertissement ; c’était une véritable école d’art où j’ai acquis les compétences essentielles du dessin, de la narration visuelle, et où j’ai nourri mon rêve de créer une BD historique épique sur le Maroc. L’apprentissage à travers la BD. La BD m’a offert une éducation artistique informelle dès mon plus jeune âge. J’ai appris à dessiner des personnages, à créer des paysages, à maîtriser le cadrage, à perfectionner le graphisme, à comprendre la perspective et à jouer avec les ombres et la lumière, le tout grâce à des artistes talentueux qui ont donné vie à des mondes fantastiques à travers leurs planches. Le début de ma propre aventure BD à l’âge de 14 ans, alors que j’étais au lycée technique, j’ai commencé à dessiner quelques planches de BD. Mes inspirations provenaient des dessins animés de l’époque, qui étaient admirés tant par les élèves que par les professeurs. C’est à ce moment que l’idée de créer une BD relatant l’histoire du Maroc a germé dans mon esprit. Cependant, le projet était immense, et l’édition d’une BD en couleurs était alors une entreprise presque impossible. La persévérance et la collaboration. Il a fallu attendre jusqu’en 1993 pour que mon rêve se réalise enfin, après quatre années de recherches historiques et artistiques intenses. J’ai eu la chance de collaborer avec feu Hadj M’hammed Maazouzi et le Dr. Wajdi Maazouzi. Notre travail d’équipe a abouti à la création d’une trilogie de 400 pages en couleurs dédiée à l’histoire du Maroc à travers la bande dessinée. Le succès et la reconnaissance. Dès sa sortie, notre trilogie a connu un succès fulgurant. Elle a reçu plusieurs prix et a été exposée dans de nombreux salons au Maroc et à l’étranger. La réalisation de ce projet ambitieux a été un rêve devenu réalité, et cela a été rendu possible grâce à la passion pour la BD, la persévérance, et la collaboration avec des experts.
Conclusion: Ma relation avec la bande dessinée a été une véritable aventure qui a commencé dans mon enfance et qui a évolué pour devenir une passion et une carrière. Elle m’a enseigné l’art du dessin et de la narration visuelle, mais elle a également été le vecteur de la réalisation d’un rêve : raconter l’histoire du Maroc à travers cet art unique. Mon voyage dans le monde de la BD est un exemple de la façon dont la persévérance et la collaboration peuvent concrétiser les rêves les plus ambitieux.
Votre maîtrise du speed painting est spectaculaire. Comment avez-vous été introduit à cette technique et qu’est-ce qu’elle représente pour vous en tant qu’artiste ?
L’art a toujours été un moyen d’expression profondément personnel et captivant, mais il y a une forme d’art qui pousse les limites de l’interaction entre l’artiste et son public à un niveau inédit: l’art de la performance, aussi connu sous le nom d’Action Painting ou encore, de nos jours, comme le speed painting ou le fast painting show. Cette forme d’art m’a offert une expérience unique, où le processus créatif est partagé en direct avec le public, créant ainsi un dialogue intense entre l’artiste et les spectateurs. Ce qui distingue mon expérience dans le speed painting, c’est mon état mental pendant la création. Je me mets souvent en transe, perdant conscience du monde extérieur pour se plonger entièrement dans le processus créatif. Cela crée une connexion profonde entre moi et l’œuvre, une immersion totale dans l’acte de création. Une autre caractéristique de l’art de la performance est l’exhibitionnisme artistique. Les artistes ne se cachent pas derrière leurs œuvres, mais se montrent au public. Ils deviennent une partie intégrante de la performance, exposant leur créativité et leur talent au fur et à mesure que l’œuvre prend forme. Cette exposition de soi-même renforce la connexion entre l’artiste et les spectateurs, les invitant à vivre chaque coup de pinceau et chaque éclaboussure de couleur avec une intensité accrue. Une particularité du speed painting est la pratique de peindre à l’envers. Je commence généralement par la fin de l’œuvre, créant une toile à l’envers pour dissimuler son intention jusqu’à la révélation finale. Cette approche intrigue les spectateurs, les incitant à deviner ce qui se cache derrière chaque geste du pinceau, tout en ajoutant une dimension mystérieuse à la performance.
Créer des thèmes sur le sable en direct est une expérience artistique fascinante. D’où est venue l’idée de mêler l’éphémérité du sable à l’art de la peinture et comment vous préparez-vous pour ces présentations en direct ?
L’art, dans toutes ses formes, trouve souvent son origine dans l’inspiration et l’expérimentation. Pour moi, chaque matériau naturel devient une toile potentielle, une source d’expression artistique. C’est ainsi que, au moment de mes explorations avec divers matériaux tels que l’argile, la chaux, le charbon, la pierre, et bien d’autres, j’ai découvert une nouvelle forme d’artfascinante : la création avec du sable. Cette transformation artistique a émergé lentement, éclairée par la magie des déserts du Sahara, révélant une nouvelle dimension artistique .j’ai commencé mon voyage artistique en expérimentant divers matériaux naturels pour créer des tableaux uniques. C’était un voyage de découverte, où chaque matériau était une possibilité pour exprimer mon imagination. Cependant, parmi tous les matériaux, le sable du Sahara a suscité une fascination particulière. Après plusieurs voyages au sud marocain, où le désert s’étend à perte de vue, je suis revenu avec une collection d’échantillons de sable, chacun portant l’histoire du désert dans ses grains. Le sable du Sahara est une matière unique en son genre. Sa texture, sa couleur et sa jeunesse varient d’un endroit à l’autre, créant une richesse infinie de possibilités artistiques. À mon atelier, j’ai entrepris le mélange méticuleux de ces échantillons de sable, recherchant la couleur parfaite et la texture idéale. Lorsqu’il a finalement trouvé le mélange qui reflétait le mieux ma vision artistique, j’ai commencé à explorer ce potentiel sur une table lumineuse. Apprivoiser le sable, travailler avec du sable comme matériau artistique n’était pas une tâche aisée. Il a fallu du temps pour comprendre les subtilités du sable, apprendre à le manipuler avec précision, et maîtriser son potentiel créatif. Le sable, à la fois docile et capricieux, devait être apprivoisé dans toutes ses formes. J’ai choisi de dévoiler ma nouvelle forme d’art lors de ma première performance, avec un thème particulièrement significatif : la Marche Verte. Cette performance était plus qu’une simple création artistique ; c’était un hommage poignant au Sahara, à son sable portant les empreintes de milliers de Marocains qui ont marché vers un avenir meilleur lors de la Marche Verte en 1975.
La performance a été une expérience immersive, où le public a été témoin de la transformation du sable en une œuvre d’art éphémère et évocatrice. Les grains de sable semblaient s’animer sous les mains de l’artiste, racontant l’histoire du Sahara et de son peuple.
Vos œuvres reçoivent de nombreuses éloges. Y a-t-il eu un commentaire ou une critique qui vous a profondément touché ou influencé au cours de votre carrière ?
Il semble que la critique constructive de cette femme d’un certain âge ait eu un impact significatif sur mon travail artistique lors du festival d’Assilah en 2014. Sa suggestion d’utiliser des couleurs claires pour rendre le coin plus lumineux et éclairé la nuit semble avoir été très pertinente, comme je l’ai constaté lorsque je suis repassé le soir. Cela montre que l’art peut vraiment avoir un impact positif sur l’environnement et la perception des gens, en plus d‘être ouvert à recevoir des critiques constructives et à améliorer mon travail en conséquence. C’est une belle histoire de collaboration entre un artiste et la communauté locale pour créer un espace plus accueillant et agréable pour tous.
Vivant à Rabat, une ville pleine d’histoire et de culture, comment ses paysages et son ambiance ont-ils influencé votre art ?
Le développement de la ville de Rabat dans un contexte historique m’a inspiré à explorer d’autres styles d’art plastique, tels que le pop vintage art et l’art urbain. Rabat est une ville riche en histoire, en culture et en diversité architecturale, ce qui peut certainement fournir une grande source d’inspiration pour les artistes.
le choix du pop vintageart et de l’art urbain est intéressant, car ces styles sont souvent associés à l’expression artistique contemporaine et ils peuvent offrir une perspective unique sur l’évolution de Rabat en tant que ville moderne tout en conservant des éléments de son passé. Ces styles permettent également d’explorer les contrastes entre la tradition et la modernité, ce qui est souvent un thème important dans l’art contemporain.
J’ai réalisé quelques toiles inspirées par Rabat et que je prévois exposer prochainement.
Pour beaucoup d’artistes, il existe un lien intangible entre eux-mêmes, leurs œuvres et leur public. Comment souhaitez-vous que les gens se connectent à vos réalisations ?
Il est tout à fait vrai que l’espace des galeries d’art peut être parfois moins fréquenté par le grand public en dehors des jours de vernissage ou des événements spéciaux. Les artistes ont souvent besoin d’explorer divers moyens pour aller vers leur public et partager leur travail. J’ai exposé dans des restaurants, car les gens viennent y manger et peuvent découvrir mon travail dans un cadre plus détendu et accessible. Cela crée une atmosphère agréable pour les clients du restaurant. Les réseaux sociaux sont de puissants outils pour les artistes de nos jours. Je partage des photos de mes œuvres , des vidéos de mon processus de création, pour interagir directement avec le public. Cela crée un lien personnel avec mes admirateurs et même attirer de nouveaux amateurs d’art.
Avec votre expérience en enseignement, comment percevez-vous l’importance de transmettre la passion et les techniques artistiques aux jeunes générations ? Avez-vous un conseil à donner à ceux qui souhaitent suivre vos traces ?
Il est très inspirant de lire votre perspective sur la transmission de la passion pour l’art. En effet, la passion pour l’art peut être transmise de manière naturelle et efficace lorsque l’on adopte une approche bienveillante, axée sur l’échange et le partage. Chercher constamment à se surpasser dans son travail artistique est un élément crucial pour progresser. La recherche de défis et de difficultés peut aider à développer de nouvelles compétences et à élargir ses horizons artistiques. En restant fidèle à vous-même et à votre vision artistique, vous pouvez vous distinguer en créant des œuvres qui reflètent votre individualité et vos émotions. Le chemin de l’art peut parfois nécessiter des sacriffices, que ce soit en termes de temps, d’efforts ou de ressources. Cependant, ces sacriffices peuvent être gratiffiants lorsque vous voyez vos compétences et votre passion s’épanouir.
Après le succès retentissant de vos expositions précédentes, pouvez-vous nous donner un aperçu de vos projets à venir ? Quelles sont les inspirations ou les thèmes que vous envisagez d’explorer dans vos prochaines œuvres ?
J’essaye d’explorer diverses avenues artistiques avec passion et engagement, ce qui est très inspirant. Ma démarche en peinture abstraite où j’explore des concepts tels que l’identité, l’empreinte et l’écriture automatique dans une volonté d’expérimenter et de pousser les limites de l’art abstrait. Quant à la peinture semi-figurative, j’ai essayé de réinterpréter l’art urbain. La création d’une bande dessinée qui raconte une histoire ayant failli changer l’histoire moderne du Maroc est un projet ambitieux et fascinant.. c’est un travail d’investigation et de recherche qui ajoute une dimension authentique à cette entreprise, en mêlant la technologie à la nature humaine pour créer un récit captivant.